DEVANT L E PROBLÈME ARMÉNIEN
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d'alliance avec u n organisme ne possédant pas u n statut j u r i d i q u e i n t e r –
national et existant seulement de fait. Et, on le sait, c'est u n p r i n c i p e
établi d u droit international que la reconnaissance d ' un nouv e l État ne
doit pas revêtir des formes solennelles spéciales, mais peut être s i mp l e –
ment tacite (1).
Le texte même d u traité de paix entre les Puissances alliées et la T u r>
quie signé à Sèvres, le 10 août 1920, ajoute une certitude supplémen–
taire à celle que nous puisons dans son préambule. L'article 88 de ce
traité d i t , en effet: t La Turquie déclare reconnaître, comme l ' on t déjà
fait les Puissances alliées, l'Arménie comme un E t a l l i b r e et indépen–
dant ». Ce texte se réfère clairement à une reconnaissance, pa r
toutes
l e s
Puissances alliées, antérieure au traité de Sèvres ; par conséquent, cette
référence ne saurait viser uniquement la reconnaissance
de facto
de l ' A r –
ménie par le Conseil suprême et par quelques-unes seulement de ces
puissances. En outre, i l y a l i e u d'observer que la formule dont se Sert
l'article 88 est identique à celle de l'article 98 contenant u n r env o i à la r e –
connaissance antérieure de la liberté et de l'indépendance du Hedjaz(2).
Or, cette dernière reconnaissance a eu, sans n u l doute possible, u n carac–
tère j u r i d i q u e , le Hed jaz ayant, en qualité de puissance alliée et associée,
apposé sa signature au traité de Versailles d u 28 j u i n 1919, lequel traité le
mentionne p a rmi les membres originaires de la Société des Nations. La
formule q u i , dans le cas du Hedjaz, vise à une reconnaissance
de jure,
n'a donc p u être employée, dans le cas de l'Arménie, pou r désigner
seulement une reconnaissance
de facto.
Enfin, la même conclusion se dégage
Au'traité séparé
que la Gr ande -
Bretagne, la France, l'Italie et le Japon ont c onc l u , toujours à la date
d u 10 août 1920, avec l'Arménie, en vue de stipuler, comme i l s l'avaient
fait dans leurs conventions avec la Pologne et d'autres Etals, les d r o i t s
inaliénables des habitants, des ressortissants et des minorilés. Ce traité,
qu i impose à l'Etat arménien de nombreuses obligations, affirme, en
même temps, son
indépendance
et sa
souveraineté.
Voici les premiers
passages de son préambule :
«
Considérant que les principales Puissances alliées ont reconnu l'Arménie
comme État souverain et indépendant ;
t Et considérant que l'Arménie désire conformer ses institutions aux principes
de la liberté et de la justice, et en donner une sûre garantie à tous les habitants
des territoires sur lesquels elle a assumé ou assumera la souveraineté » .
(
t) V. par exemple Despagnel de Boerk,
Cours de droit international public,
édit.,
p. 104.
(2)
Art. 98 : « La Turquie déclare reconnaître, comme l'ont déjà fait les Puissances
alliées, le Hedjaz comme un État libre et indépendant ».
Fonds A.R.A.M