PRÉFACE
V
incontestablement la compassion universelle pour ses cruelles souffran–
ces. Mais elle soulève en outre u n problème général des plus inquiétants
sur l'orientation nouvelle d u droit i n t e r na t i ona l . Cette orientation sem–
blait avoir été indiquée par le préambule d u Pacte de l a Société des
Nations, car celui-ci déclarait q u ' i l importe « de faire régner la j us t i c e »
et « d'entretenir au g r a nd j ou r des relations internationales fondées sur
la justice et l ' honneu r ». Et en fait, en ressuscitant la Pologne et en
constituant la Tchécoslovaquie, en libérant les Alsaciens-Lorrains, les
Danois du Slesvig, les Yougo-Slaves et les Roumains de T r an s y l v an i e ,
en émancipant du j o u g turc les Syriens et les Arabes, les Puissances
avaient fait honneu r à la glorieuse devise i ns c r i t e sur le fronton de
l'édifice de la Société des Nations. D'où vient donc qu'une équitable
application d u principe des nationalités, soucieuse en même temps des
droits des peuples et des intérêts généraux de l'humanité, n'ait pas été
étendue jusqu'à l'Arménie ? A quoi attribuer le ma i n t i e n définitif dans
la servitude t u r que , pas même mitigée, des restes de la Nation armé–
nienne?
Les causes de l'abandon de l'Arménie ne doivent pas être cherchées
dans le domaine d u
droit.
Les titres à l a liberté d u peuple arménien,
écrits avec le sang de ses ma r t y r s de 189S, de 1909, de 191B et solen–
nellement reconnus par les Puissances alliées, n'étaient pas mo i nd r e s
que ceux de n'importe quelle nation q u i s'était autrefois trouvée sous
le j o u g des Tu r c s . Du r an t les quatre années qu i séparèrent le Traité de
Sèvres d u Traité de Lausanne, l'État turc ne s'est point, d'autre part,
régénéré à un degré qu i devait autoriser les Puissances à revenir sur
l eu r décision en l u i confiant ne fût-ce qu'une tutelle provisoire d u
peuple arménien. Certes, l'essor vigoureux du nationalisme turc, s ' i l
restait dans ses limites naturelles, pouvait préparer les voies à une
Tu r qu i e v r a imen t nouvelle. Malheureusement, la Tu r qu i e Kémaliste
s'est montrée à l'égard des allogènes empreinte d ' un fanatisme r a c i a l
qu i ne le cède en r i e n à celui des Jeunes-Turcs. Le ma r t y r e des Grecs
d u Pont et le sort de Smyrne ont été, de ce fait, les preuves palpitantes.
Le droit des Arméniens à la séparation intégrale de la Tu r qu i e demeure
donc intact.
Te l l e a été, d ' a i l l eu r s , l a conviction i n t ime des Puissances alliées
elles-mêmes. Tandis qu'elles fléchissaient sur toute l a l i gne , sous la
pression t u r que , elles n'ont en effet j ama i s cessé de libérer l eu r s cons-
Fonds A.R.A.M