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L A SOCIÉTÉ DES NATIONS ET LES PUISSANCES
surveiller. Les déportations des Arméniens o n t recommencé partout. Mais les
loups affamés d u Comité n'ont plus beaucoup à attendre de ces malheureux, si
ce n'est l'assouvissement de leur fureur fanatique de persécution. Leurs proprié–
tés sont confisquées depuis longtemps et leurs biens liquidés par une soi-disant
Commission. Si, par exemple, u n Arménien possédait une maison évaluée
a
100
l t q . , elle a été adjugée à u n Turc, am i ou membre du Comité, pour environ
2
l t q . 11 n'y a donc plus beaucoup à chercher chez les Arméniens. Aussi l a meute
se prépare avec impatience pour le moment où l a Grèce, forcée par l'Entente, se
déclarera contre la Turquie ou ses alliés. I l y aura alors des massacres sur une
échelle plus grande que ceux des Arméniens. Les victimes sont plus nombreuses
et le b u t i n plus tentant. L'hellénisme est l'élément culturel de l a Turquie. I l
sera détruit comme l'élément arménien, si des influences étrangères ne s'y oppo–
sent pas. Tu r q u i f l e r veut dire chasser ou tuer et exterminer tout ce q u i n'est
pas t u r c et s'emparer par l a force des biens d'autrui. En cela et dans le braille–
ment de phrases révolutionnaires françaises consiste pour le mome n t l a célèbre
renaissance de l a Turquie » (n° 282).
Terminons par la dépêche au chancelier von Be l hmann -Ho l l we g d u
même Comte Wolff-Metternich, en date d u 10 j u i l l e t 1916 :
*
Dans la réalisation de son programme de résoudre l a question arménienne
par l a destruction de l a race arménienne, le gouvernement turc ne s'est laissé
arrêter n i par nos représentations, n i par celles de l'ambassade d'Amérique et
du délégué du Pape, n i par les menaces des Puissances de l'Entente, n i le moins
d u monde par des égards pour l'opinion publique de l'Occident » (n* 287).
En résumé, la correspondance diplomatique allemande prouve pé–
remptoirement que les massacres arméniens ont été exécutés sur les
ordres d u gouvernement jeune-turc désirant profiter de la Grande Guerre
pour en finir, une fois pour toutes, avec la question arménienne. Certes,
pendant l'exécution de cette mesure administrative turque, le fanatisme,
la cruauté et les instincts rapaces de la populace on t p u se manifester
dans leur plus effroyable hideur. Mais l'initiative des massacres nerevient
nullement à une explosion de l ' i nd i g na t i o n populaire provoquée par
une prétendue trahison arménienne, comme tâchaient de le faire accroire
les Jeunes-Turcs. Aux légendes et mensonges turcs déjà réfutés dans l a
presse des États de l'Entente et des pays neutres (1), l a publication de
la correspondance diplomatique et consulaire allemande a donné le
coup de grâce. I l est, en effet, impossible d ' i nc r imi ne r l a valeur des
témoignages des fonctionnaires de l'Allemagne, alliée de l a Tu r qu i e ,
renseignant leur gouvernement, au j o u r le j o u r et en détail, sur l a situa-
(
i) Comp., entre autres,
notre
réponse à la brochure du gouvernement jeune-turc :
La vérité sur le mouvement révolutionnaire arménien et Us mesures
gouvernementales,
dans notre
Sort de l'Empire ottoman,
p. 285-294.
Fonds A.R.A.M