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LA. SOCIÉTÉ DF,S NATIONS ET LES PUISSANCES
«
Je
TOUS
prie d'informer le D
r
Lepsius et les Comités allemands pour l'Armé–
nie qu'en présence delà situation politique et m i l i t a i r e de la Turquie, les mesu–
res sus-indiquées ne peuvent malheureusement pas être évitées
(
leider nichl su
vermeiden).
J'ai informé confidentiellement les consulats d'Erzeroum, Adana,
Alep, Mossoul et Bagdad. — Wangenheim (1) ».
La Wilhelmstrasse partagea évidemment l'avis de son ambassadeur,
car elle n'arrêta pas le « bras » d'Enver et n'empêcha pas la « déporta–
tion » des Arméniens. Et cependant, les diplomates allemands, si pro–
fonds connaisseurs des Turcs, devaient bien se douter comment ces
derniers se serviraient de l'approbation de leurs alliés. Lepsius l u i -
même remarque dans sa préface, non sans mélancolie, que « les expé–
riences faites avec les muha d j i r s (émigrés), circassiens et bulgares
auraient pu apprendre à l'ambassadeur ce q u i résulte ordinairement de
pareils établissements
(
Ansiedelungen).
Mais probablement i l ne s'en
rendait pas suffisamment compte » (2).
S'il r i s u l t e ainsi d u Recueil que la diplomatie allemande avait, avec
la plus coupable légèreté, autorisé la déportation des Arméniens « sus–
pects », les documents publiés nous la mon t r en t , d'autre part, inter–
venant auprès de l a Porte dès que les rapports des consuls allemands
l'eussent éclairée sur le véritable caractère de la « déportation ». Le
même Baron Wang enhe im, et après l u i les autres ambassadeurs alle–
mands qu i le remplacèrent successivement — le Prince Hohenlobe-Lan-
g enbu r g , le Comte Wolff-Metlernich et M. von K u h l m a n n — adressèrent
à la Sublime Porte une série de très énergiques protestations (3). Mais
ces protestations restèrent sans aucun effet. Les Turcs ne croyaient peut-
être pas en la sincérité de l ' i nd i gna t i on allemande, o u bien ne considé–
raient pas leurs alliés comme particulièrement qualifiés pourtour donner
des conseils de clémence et des leçons d'humanité ; mais surtout, ils se
rendaient compte que les A l l emands n'iraient jamais au delà des repré–
sentations (4).
A i ns i donc les diplomates et les consuls allemands n ' on t pas pu
ou su empêcher les massacres des Arméniens ; mais i l s on t au moins
(1)
Dtutschtand und Arménien,
n* 72, dans notre traduction.
(2)
Deutschland und Arménien,
p. XX I I .
(3)
Lepsius,
Deutschland und Arménien,
p. XXV I .
(4)
Talaat Pacha, avec son ironie mordante habituelle, fit d'ailleurs observer un jour
au comte Wolfl Metternich, que selon sa conviction les Allemands auraient, dans des
circonstances analogues, agi comme les Turcs ; et l'ambassadeur vexé se plaignit au
Chancelier de ce que chez Talaat i l avait constaté une incompréhension totale
(
Yerstàndnisslosigkeit) du principe que les innocents ne devaient pas souffrir pour les
coupables
(
Deutschland uni Arménien,
n" 215).
Fonds A.R.A.M