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LA SOCIÉTÉ DES NATIONS ET LES PUISSANCES
bases des réformes pour l'Arménie par l'entremise des ambassadeurs
à Constantinople. La proposition russe ayant été agréée, l'ambassadeur
russe présenta, le 8 j u i n 1913, à la Conférence des ambassadeurs un
avant-projet de réformes ( i l » qu i avait reçu l'approbation préalable,
sauf quelques modifications de détail, des ambassadeurs de France et
d'Angleterre.
D'après ce projet, une seule province était formée des six vilayets
d'Erzéroum, Van , Bitlis, Diarbekir, Kharpout et Sivas. Cette « province
arménienne » était administrée par un gouverneur général devant être
un Ottoman chrétien, ou de préférence un Européen, nommé par le
Sultan pour un terme de cinq ans avec l'assentiment des Puissances.
Une Assemblée provinciale, composée de Chrétiens et de Musulmans en
nomb r e égal, devait légiférer sur. les matières d'intérêt p r o v i nc i a l , les
lois votées étant soumises à la sanction du Sultan.
L'examen de l'avant-projet russe, confié par les ambassadeurs à une
Commission de délégués techniques, y rencontra immédiatement la plus
vive résistance de la part du délégué allemand, soutenu par son collègue
autrichien : tous les deux s'érigèrent en zélés défenseurs de la souverai–
neté turque, menacée, selon eux, par le projet russe qu i , cependant ne
faisait que suivre les traditions de l'intervention d'humanité en Orient.
La Conférence n'aboutit pas et l'ambassade de Kussie put s'entendre avec
celle d'Allemagne sur un programme de réformes réduit qu i fut accepté
par les autres ambassades, lesquelles confièrent ensuite à MM. de Giers
et de Wangenheim le soin de le faire agréer par la Porte.
La Porte opposa à ce programme réduit, que, devant la réserve crois–
sante de l'Allemagne, l'ambassadeur de Russie fut bientôt seul à dé–
fendre, une résistance des plus vives. Après une longue et i n t e rmi nab l e
obstruction, elle finit cependant par céder, et le 26 janv;er-8 février 1914
le chargé d'affaires de Russie M. Goulkévitch et le Grand-Vizir Said-
Halim Pacha signèrent un acte q u i , malgré ses imperfections, semblait
ouvrir une nouvelle ère d'apaisement pour le peuple arménien.
D'après la teneur de cet accord russo-turc, la Porte s'oblige à adresser
aux Grandes Puissances une Note l'engageant à introduire certaines
réformes.
Ces réformes se d i s t i nguen t du projet russe initial par l'abandon de
la constitution d u n e seule province arménienne avec une seule Assem–
blée et un gouverneur général ; on n'a également pu obtenir l'élargisse-
(1)
V. le texte de cet avant-projet, éiaboré par l'auteur de cet article,' alors premier
drogmande l'ambassade impériale de Russieà Constantinople, dans le Livre orange russe,
n» 50 et dans notre
Sort de i'Empire ottoman,
p . 218-222.
Fonds A.R.A.M