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LA SOCIÉTÉ DES NATIONS ET LES PUISSANCES
même par l'extermination des races allogènes, décida de rendre sans
objet les interventions d'humanité futures en faveur de l'Arménie, dont
le menaçait le traité de B e r l i n .
L'attitude du gouvernement d'Abdul-Hamid en Arménie l u i attira, deux
ans à peine après la signature du traité de Berlin, le 7 septembre 1880,
une Note collective des six Puissances où l ' on l i t entre autres choses :
«
Les termes mêmes dans lesquels la S. Porte a c r u pouvoir s'expliquer sur
les crimes c omm i s , ou signalés comme ayant été commis, dans les provinces ha –
bitées par les Arméniens, prouvent qu'elle se refuse à reconnaître le degré d'anar–
chie q u i règne dans ces provinces, et l a gravité d'un état de choses dont l a
prolongation entraînerait, selon toute vraisemblance, l'anéantissement des po–
pulations chrétiennes dans de vastes districts ».
Et la Note concluait :
« 11
est de toute néces»ité de réaliser, sans perte de temps, les réformes desti–
nées à garantir la vie et la propriété des Arméniens ; de prendre immédiatement
des mesures contre les incursions des Kurdes ; d'appliquer sans délai la nouvelle
combinaison financière ; de mettre provisoirement l a gendarmerie sur un p i e d
plus satisfaisant ; de donner surtout aux' gouverneurs généraux u n pouvoir plus
stable.et une responsabilité plus étendue ».
Le gouvernement d'Abdul-Hamid se garda bien de suivre ces conseils,
pourtant désintéressés. Aucune réforme ne fut i n t r o du i t e . Par contre, le
gouvernement excita de plus en plus les Kurdes contre les Arméniens
et les laissa systématiquement déposséder les Arméniens de leurs terres.
Les brigands kurdes furent même, en 1890, organisés en des régiments
de cavalerie irrégulière (Hamidié) qu i devinrent le fléau de toute l ' A r –
ménie. Enfin, la lente e x t e rmi na t i on des Arméniens ne suffit p l us au
Sultan et i l passa aux massacres.
Le premier des massacres f u t organisé à Sassoun, en août 1894. Cons–
taté par une Commission consulaire franco-anglo-russe, i l amena l a
France, l'Angleterre et la Russie à présenter à la Porte (en ma i 1895) u n
projet de réformes en Arménie. Le Sultan, après de longues tergiversa–
tions, fut obligé de p r omu l gue r , le 20 octobre 1895, u n décret acceptant
une certaine partie des propositions des trois Puissances (1). Mais, e n
même temps, ne croyant plus avoir aucun autre moyen d'échapper à
l'application sérieuse des réformes, Abdu l -Hami d organisa de nouveaux
massacres sur une plus vaste échelle.
Les massacres arméniens de 1895 et 1896 sont trop connus pour q u ' i l
soit nécessaire de s'étendre sur eux l onguemen t . C'est surtout le remar-
(1)
V. le texte dans le Livre jaune français,
Affaires d'Arménie
(1893-1897).
Fonds A.R.A.M