DEVANT L E PROBLÈME ARMÉNIEN
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A u contraire, les projets de
réformes particulières,
destinées à une
partie seulement de l'Empire, étaient invariablement accueillies par l a
Sublime Porte avec l a plus grande hostilité. Elle discutait âpremenl
chaque point d u programme des Puissances et arrivait presque toujours
à le mu t i l e r , ou , du mo i ns , à en affaiblir considérablement la portée.
Le programme réduit lui-même n'était accepté par le gouvernement
turc que sous une forte pression et, d'ailleurs, avec la ferme résolution
d'éluder, ou d u moins de contrecarrer son exécution par tous les moyens
à sa disposition. Dans ce sabotage des réformes, la Porte f i t preuve
d'une maîtrise incomparable, servie, d'ailleurs, parfois et surtout après
le traité de Be r l i n , pa r les contingences politiques. A i n s i elle réussit
à
esquiver toute application des réformes pour l a Roumélie élaborées,
en 1880, par une Commission internationale, ainsi que l'exécution des
réformes arméniennes introduites par le décret de 1895. Le sabotage
des réformes était a u su r p l us presque toujours facilité par l'absence
d'une surveillance internationale efficace. C'est pou r quo i aussi, dès q u ' i l
s'agissait de l'introduction d ' un pareil contrôle, l'opposition de l a Porte
devenait irréductible : a i ns i elle préféra, en 1876, la guerre à l'établisse–
ment d u contrôle européen sur l'administration de la Bosnie-Herzégo–
vine et de la Bulgarie. Deux fois seulement i l a été possible d'imposer à
la Porte ce contrôle, en Macédoine en 1908, et en Arménie en 1914. Le
contrôle de la Macédoine a, au reste, précipité la révolution j eune -
turque qu i a entraîné son ab o l i t i on . Et la Grande Guerre a empêché l'en–
trée en fonctions des inspecteurs généraux étrangers en Arménie.
La non-application o u le sabotage des réformes préconisées par les
Puissances provoquaient i n f a i l l i b l emen t des insurrections de la province
à laquelle elles étaient destinées, et des répressions sanglantes de la
part de l a Porte. L'intervention, pacifique ou armée, des Puissances
s'ensuivait fatalement et aboutissait à l'autonomie garantie par les
Puissances, prélude de l a séparation complète de l ' Emp i r e . I l est, d'ail–
leurs, curieux de constater que les Puissances o n t presque toujours
observé une gradation dansTémancipation des nations ottomanes, et ne
les o n l , à l a seule exception de la Grèce, jamais libérées d'un t r a i t .
La perte d'une province n'a presque j ama i s p r o du i t u n effet b i en f a i –
sant sur la politique de la Porte envers les allogènes restés sous son
pouvoir. Abdu l -Hami d surtout, ainsi que les gouvernants jeunes-turcs,
ont fait suivre Jes démembrements de la Tu r qu i e , après les guerres de
1877-18
et de 1912, d'une recrudescence de la terreur contre tout ce q u i
n'était pas turc. A u lieu de voir dans la réalisation des conseils des
Puissances civilisées le seul moyen de conserver les restes de l'Empires
les gouvernements turcs se s'ont obstinés à voir la cause véritable du
Fonds A.R.A.M