DEVANT LE PROBLÈME ARMÉNIEN
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c'est une e r r eu r . Pour tous les Musulmans q u i pensent, l ' h i s t o i r e m o –
derne d u gouvernement q u i occupe le trône à Gonstantinople ne s au r a i t
être une source de joie ou de fierté » .
En terminant, le Conseil des Puissances condense ainsi son o p i n i on
sur l ' i nap t i t ud e d u Turc à gouverner d'autres peuples et sur l ' o p p o r t u –
nité de le placer « dans un cadre plus conforme à son génie » :
t Pour des raisons que nous avons déjà données, le Turc s'y est essayé à une
entreprise pour laquelle i l avait peu d'aptitude, e t dans laquelle i l a, par suite,
obtenu peu de succès. Qu'on le mette à l'oeuvre dans des circonstances plus
favorables ; qu'on laisse son énergie se déployer principalement dans un cadre
plus conforme à son génie-. Dans de nouvelles conditions moins compliquées et
moins difficiles, après avoir r omp u , et peut-être oublié, une tradition mauvaise
de c o r r u p t i o n et d'intrigue, pourquoi ne p o u r r a i t - i l a j o u t e r a l'éclat de son pays,
et indirectement de sa religion, témoignant de qualités autres que le courage et
la discipline dont i l a toujours donné des preuves si manifestes ».
En pleine conformité avec ces déclarations et avec l e sens précis de
l'article 22 d u Pacte de l a Société des Nations, les Puissances alliées et
associées ont imposé à l a Tu r qu i e le traité de Sèvres d u 10 août 1920,
q u i se présente comme la consécration ou l'extension des limitations de
l a souveraineté imposées depuis longtemps à l'Empire ottoman au n om
d u droit i n t e r na t i ona l ou au n om d u droit huma i n (1).
Les l imi t a t i on s à la souveraineté turque au n om de l'intérêt supérieur
de l'humanité se sont traduites, en premier l i e u , par de nouvelles am–
putations de l'Empire ottoman de certaines de ses parties hétérogènes.
Le traité proclame la liberté et l'indépendance d u Hedjaz ( a r t . 98). I l
reconnaît comme États indépendants la Syrie et l a Mésopotamie,
à
l a
condition que « les conseils et l'aide d ' un mandataire guident leur ad–
mi n i s t r a t i on j us qu ' au moment où elles seront capables de se conduire
seules » (art. 94). I l détache également de l ' Emp i r e l a Palestine dont
l'administration est confiée
à
u n mandataire choisi par les Principales
PuTssances alliées (art. 98). I l transfère une partie de la Tu r q u i e d'Eu–
rope à la Grèce (art. 84). I l fait dépendre, enfin, de l'arbitrage du Prési–
dent des États-Unis d'Amérique la cession de la totalité ou d'une partie
des vilayets de Van , Bitlis, Erzeroum et Trébizonde
à
l'Arménie russe,
déclarée indépendante (art. 88 et 89) (2).
(1)
Nous ne nous arrêterons pas ici aux limitations imposées à la Turquie au nom du
droit international (régime des Détroits, contrôle financier, limitation des forces
militaires, navales et aériennes de la Turquie, création des ports d'intérêt internatio–
nal, etc.), leur examen sortant du cadre de notre étude.
(2)
V. plus loin notre commentaire de ces articles.
Fonds A.R.A.M