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L A SOCIÉTÉ DE S NATIONS E T L E S PUISSANCES
l'ensemble de sa longue histoire et non pas sur une période des plus
désavantageuses pou r elle » . I l invoque aussi « l'intérêt suprême de
plus de trois cent millions de Musulmans » du monde entier (1).
Le défi d'avoir à considérer, avant de disposer d u sort de l ' Emp i r e
o t t oman , l'ensemble de son histoire a été relevé par
la
Conférence de l a
Paix. Dans une Note datée d u 25 j u i n 1919, M. Georges Clemenceau, Pré–
sident d u Conseil des principales Puissances alliées et associées, a d'une
manière remarquable réfuté en ces termes la thèse turque :
«
Le Conseil est bien disposé envers le peuple t u i o , dont i l admire les excel–
lentes qualités. Mais i l ne peut compter au nombre de ces qualités l'aptitude de
gouverner des racés étrangères. L'expérience & été t r o p souvent et trop long–
temps répétée pour qu'on ait le mo i n d r e doute quant au résultat. L'histoire nous
rapporté de nombreux succès turcs et aussi de n omb r e u x revers turcs : nations
conquises et nations affranchies... Cependant, dans tous ces changements, o n
ne trouve pas un seul cas, en Europe, en Asie, n i en Afrique, où l'établissement
de la domination turque sur u n pays n'ait pas .été suivie d'une d i m i n u t i o n de sa
prospérité matérielle et d'un abaissement de son niveau de culture ; et i l n'existe
pas non plus de eas où le r e t r a i t de l a d om i n a t i o n curque n'ait pas été suivi
d'un accroissement de prospérité matérielle et d'une élévation de niveau de
culture. Que ce soit p a r m i les Chrétiens d'Europe ou p a r m i les Mahométans de
Syrie, d'Arabie et d'Afrique, le Turc n'a fait qu'apporter l a destruction partout
où i l a vaincu ; jamais i l ne s'est montré capable de développer dans l a paix ce
qu'il avait gagné par l a guerre. Ce n'est pas dans ce sens que ses talents s'exer–
cent.
«
La conclusion évidente de ces faits semblerait être l a suivante : la T u r q u i e
ayant, sans l a moindre excuse et sans provocation, attaqué de propos délibéré
les Puissances de l'Entente et, ayant été battue, elle a fait retomber sur ses
vainqueurs l a lourde tâche de régler la destinée des populations variées q u i
composent son Emp i r e hétérogène. Ce devoir, le Conseil des principales Puis–
sances alliées et associées désire l'accomplir autant d u moins q u ' i l concorde
avec les voeux et les intérêts permanents des populations elles-mêmes... >
En réponse à l'argument turc tendant à prouver que l'Empire ottoman
devrait être ma i n t e nu intact par respect pour le sentiment religieux des
Musulmans d u monde entier, le Conseil des Puissances relève que la
Grande Guerre « dans laquelle l'Allemagne prolestante, l'Autriche ca–
tholique, l a Bulgarie orthodoxe et la Tu r qu i e musulmane se sont liguées
pour p i l l e r leurs voisins » n'a eu aucune portée religieuse. Et la Note
poursuit : « Si l ' on répond que la d i m i nu t i o n des territoires d ' un État
mu s u l ma n historique doit porter atteinte à la cause musu lmane dans
tous les pays, nous nous permettons de faire remarquer qu'à notre avis
(1)
Notes de ta délégation ottomane, p . 5-6.
Fonds A.R.A.M