DEVANT LE PROBLÈME ARMÉNIEN
23
Jeunes-Turcs, aux Enver, aux Talaat, auxDjémal, l'occasion inespérée
d'une réalisation violente et immédiate de toutes l e u r s visées. I l s jetèrent
donc leur nation dans la mêlée aux côtés de l'Allemagne, avec la ferme
résolution de se débarrasser, avant tout, dès éléments chrétiens de l'État
turc et de rendre ainsi sans objel, p o u r l'avenir, toute intervention
d'humanité.
V I
L K TRAITÉ DE 8ÈVR8S COMME DBRHIBRE MANIFESTATION DE
L'INTERVENTION D'HUMANITÉ BN TURQUIE.
L e gouvernement jeune-turc n'a p u réaliser qu'en partie son plan de
profiter de la Grande Guerre pour établir la turquification radicale de
l'Empire o t t oman . I l a toutefois réussi à détruire environ u n m i l l i o n
d'Arméniens, et des centaines de m i l l i e r s de Grecs (1), de Libanais (2)
et d'Assyro-Chaldéens (3).
Ces crimes atroces n'ont pas été. niés, devant la Conférence de la Paix,
par les représentants d u gouvernement turc q u i , après la débâcle, avait
remplacé au pouvoir le Comité. Dans sa Note d u 17 j u i n 1919 au Conseil
suprême, le porle-parcle de ce gouvernement, le Grand Vizir Damad
Férid Pacha, déclare l o i n de l u i « la pensée de travestir ces forfaits q u i
sont de nature à faire pour toujours tressaillir d'horreur la conscience
humaine ». Mais i l en rejette l a responsabilité sur les Jeunes-Turcs et
soutient « q u ' i l serait plus équitable de j ug e r la nation ottomane par
(1)
Un Mémoire de M. Vénizelot présenté, le 31) décembre 1918, a la Conférence de la
Paix, déclare que, pendant la durée de la guerre mondiale, 300.000 Grecs ont été exter–
minés ; qu'en outre, pendant la période de 1914 à 1918, 450.000 Grecs ont été expulsés
par le gouvernement turc et ont dû se réfugier provisoirement en Gièee ; qoe plusieurs
autres centaines de milliers ont été déportés des côtes à l'intérieur, où la plupart ont
trouvé la mort.
(2)
Au Liban, les Turcs ont remplacé les massacres par la famine. D'après les
Docu–
ments économiques, politiques
et scientifiques
publiés par
VAsie française, a"
2,
on
évalue à plus de 100.000 le nombre des Libanais morts de la famine. « On a parlé de
130.000
et même de 180.000 Libanais morts faute de pain ». Cette famine avait été or–
ganisée artificiellement par les autorités turques qui avaient établi un blocus complet
de la montagne libanaise (V. l'article du journal arabe
At-Ahram
reproduit dans le
Temps
du 11 juin 1916 et la correspondance du Caire dans le
Temps
du 21 j u i n 1916 ;
notre
Sort de l'Empire ottoman,
p. 331 et suiv,).
(3)
D'après l'évaluation de M. Nikitine, ancien consul de Russie en Perse, le peuple
chaldéen « qui ne compte qu'environ 100.000 âmes, en a perdu au moins le quart
pendant la guerre » (V. l'intéressant article de M. Nikitine, dans ia
Revue det sciences
politiques,
octobre-décembre 1921, sous le titre
Une petite nation victime de la guerre),
Comp. aussi sur le sort des Assyro-Chaldéen», le (Vitre
bleu
anglais de 1916 sur le trai–
tement des Arméniens dans l'Empire ottoman.
Fonds A.R.A.M