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L A SOCIÉTÉ DES NATIONS E T L E S PUISSANCES
général. De ce fait, toutes les branches de l ' admi n i s t r a t i on ottomane en
Macédoine se trouvaient s ou s j e contrôle européen.
Ce contrôle, q u i fonctionna de 1903 à 1908, améliora jusqu'à u n certain
po i n t la situation d u pays, mais n'aboutit pas à sa pacification complète,
grâce surtout au fanatisme et à la mauvaise volonté des fonctionnaires
turcs secrètement encouragés par le Sultan. Les gouvernements de
l'Entente crurent donc, au printemps de 1908, le momen t v enu pour
resserrer encore l e contrôle.
V
L
'
INTERVENTION D'HUMANITÉ PENDANT LE RÉGIME JEUNE-TURC
(1).
Ce retour décisif de l'Europe à l'intervention d'humanité eut u n effet
inattendu. I l précipita le mouvement nationaliste et libéral j e un e - t u r c ,
q u i avait gagné l'armée de Macédoine, et fit éclater la révolution d u
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j u i l l e t 1908. A b d u l Hamid fut forcé de rétablir la Constitution et de
convoquer le Parlement o t t oman . Les Puissances q u i crurent se t r ouv e r
cette fois-ci en présence, non pas d u simulacre de 1878, mais d'une véri–
table action réformatrice de patriotes turcs éclairés, s'empressèrent de
prouver que leur intervention avait été réellement désintéressée. Elles
renoncèrent au contrôle en Macédoine et révoquèrent leurs agents,
conseillers et officiers. Partout, les Jeunes-Turcs avaient dorénavant le
chemin l i b r e pou r appliquer leurs principes de liberté et d'égalité.
I l faut reconnaître qu'au début de leur règne les Jeunes-Turcs firent
u n sincère effort pour opposer au
despotisme de la théocratie
turque
l'idéal d ' un
Etat ottoman tolérant et libéral.
Mais cet effort fut éphémère.
Dès que le Comité « Union et Progrès » p u t se convaincre que son p r o –
gramme libéral se heurtait à la résistance irréductible d u clergé mu s u l –
ma n et à l'ignorance et au fanatisme des masses turques, son ardeur
réformatrice tomba. Et après l'expérience d u coup d'État réactionnaire d u
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avril 1909 qu i f a i l l i t les rejeter dans le néant, les chefs jeunes-turcs,
décidés à conserver le pouvoir à tout p r i x , abandonnèrent peu à peu les
grands principes des premiers j o u r s . Ils firent leur pa i x avec l ' I s l am
m i l i t a n t et mi r e n t la nouvelle Constitution radicale sous la protection
de la l o i sacrée musu lmane . Un de l e u r s porte-parole, Hussein D j ah i d
Bey, rappela qu'après tout les Turcs étaient la na t i on dominante (mi l l e -
ti-hakimé). L'ottomanisme fit place à u n nationalisme a i gu , hostile n o n
(1)
Pour l'histoire du régime jeune-turc, dont nous avons été le témoin oculaire de
1908
il 1914, nous nous permettons de renvoyer à notre livre,
Le sort de l'Empire otto–
man,
1917,
Pari», Payot. Comp. René Pinon,
L'Europe et la Jeune Turquie.
1913.
Fonds A.R.A.M