DEVANT L E PROBLÈME ARMÉNIEN
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apportaient des propositions qu i démontraient qu'elles avaient reconnu
l'inanité des projets de réformes destinées à tout l'Empire ottoman et dont
l'exécution serait abandonnée au bon vouloir de la Porte. A leur place,
les représentants présentaient des projets de règlements organiques
pour la Bosnie et l'Herzégovine et pour les deux vilayets bulgares (1),
comportant de larges autonomies et dont l'application devait être s u r –
veillée par une Commission internationale.
La Porte répondit à ces propositions par un coup de théâtre. A la pre–
mière séance de la Conférence» des salves d'artillerie annoncèrent la
p r omu l g a t i on de la
Constitution
ottomane,
devant, selon les paroles de
Safvel Pacha, « inaugurer une ère nouvelle pour le bonheur et la pros–
périté de ses peuples ». Les plénipotentiaires turcs opposèrent ensuite
une résistance opiniâtre aux propositions des Puissances, lesquelles,
selon eux, portaient une grave atteinte à l'indépendance de l'Empire et
à l'esprit aussi bien qu'à la lettre du traité de Paris. De leur côté, les
plénipotentiaires des Puissances n'attachçre;it qu'une médiocre valeur
à la promulgation de la Constitution et prévinrent la Porte dans les ter–
mes les plus énergiques contre les suites fâcheuses de son obstina–
tion (2).
(1)
On peut juger de l'esprit de ces règlements par les traits suivants :
Les Valis (gouverneurs généraux) placés à la tête de chacune de ces provinces sont
nommés pour un terme de 5 ans par la Sublime Porte avec l'assentiment des Puissan–
ces garantes. L'assentiment des représentants des Puissances est également prévu
pour la nomination du Président et des membres de la Cour d'appel siégeant au chef-lieu
de chaque vilayet. Les Valis administreront les provinces avec le concours d'Assemblées
provinciales. Les gouverneurs et sous-gouverneurs sont musulmans ou chrétiens, selon
la majorité de la population du sandjak ou kasa. Enfin, des Commissions internatio–
nales seront nommées par les Puissances garantes afin de veiller à l'exécution des
règlements (Noradounghian,
Recueil,
t. I I I , p. 411-422).
(2)
V . protocoles de la Conférence de Constanliuople de 1816 (Noradounghian,
Recueil,
t. III). « Si cette Conférence, dit le plénipotentiaire de la Grande-Bretagne, lord
Salisbury, se sépare par le motif que le Sultan et ceux auprès de S. M. Impériale ne
veulent point écouter les conseils des six Puissances garantes, la position de la Tur–
quie vis-à-vis de l'Europe aurait subi un changement complet et serait fort périlleuse.
Il sera désormais reconnu dans tous les pays que la Porte, après avoir joui pendant
vingt ans de la sécurité qui l u i a été assurée par l'accord des Puissances chrétiennes,
refuse de prêter l'oreille à leurs réclamations contre les épreuves que subissent les
sujets chrétiens de Sa Majesté Impériale >.
«
La conscience de l'Europe sera émue de la conviction qu'elle n'exerce plus aucune
influence dans les Conseils de la Sublime Porte, et qu'elle ne peut plus s'acquitter de
la responsabilité que
lui
imposent les efforts qu'elle a faits pour sauvegarder la Tur–
q u i e . . . . La Grande-Bretagne est résolue à ne donner sa sanction, n i à la mauvaise
a dministralion, ni à l'oppression, et si la Porte, par opiniâtreté ou inertie, résiste aux
efforts qui se font actuellement dans le but de placer l'Empire ottoman sur une base
pins sure, la responsabilité des suites qui en résulteront reposera uniquement sur le
Sultan et ses Conseillers » (Séance du 3/15 janvier 1877, Noradounghian,
Recueil,
t. I I I ,
p. 480).
Le général Ignatieff, plénipotentiaire de la Russie, dit de son côté : « Ne pouvant nous
Fonds A.R.A.M