DEVANT LE PROBLÈME ARMÉNIEN
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r a t i o n des Puissances q u ' i l ne leur restait plus qu'à dégager leur respon–
sabilité en abandonnant la Porte aux conséquences possibles de ses
actes (1). Cette fois, du moins, la Porte, après avoir réprimé la révolte,
sut profiter de la leçon libanaise en octroyant de son propre chef à l'île
de Crète une constitution assez libérale.
L'année 1867 fut marquée par une nouvelle enquête sur les effets du
Hatti-Houmayoun de 1856, à laquelle se livrèrent les consuls de France,
d'Angleterre, d'Autriche et de Russie. Cette enquête fut nettement
défavorable à la Tu r qu i e . Certes, des lois et des codes se r app r o chan t
des législations des peuples civilisés avaient été promulgués, mais sans
réussir à dépouiller l'État turc de son caractère de théocratie mu s u l –
mane. A son actif, on pouvait inscrire seulement la liberté d u culte
chrétien, ainsi que le maintien des immunités des communautés non
musulmanes. Mais l'égalité des Chrétiens devant la l o i restait u n vain
m o t ; leur témoignage devant la justice était sans valeur ; i l s pouvaient
être emprisonnés sans ordre écrit, et n'obtenaient presque j ama i s j u s –
tice contre un Musulman. La vénalité des juges et des fonctionnaires
était toujours la même. Les t r i bun au x mixtes fonctionnaient rarement.
La l o i sur les vilayets de 1864 appelait, i l est v r a i , les non-Musulmans
à la participation au choix des membres électifs des conseils provinciaux
et des juges ; mais la composition de ces conseils et t r i b un a u x , où cer–
tains fonctionnaires turcs entraient de plein d r o i t , y assurait une pré–
pondérance invariable à l'élément mu s u l ma n . Les Chrétiens n'étaient
pas admis dans l'armée, l eu r service était, remplacé par des c o n t r i b u –
tions pécuniaires. Dans le service c i v i l , i l s ne sortaient que très excep–
tionnellement des situations subalternes (2).
Pendant une courte période q u i suivit ces enquêtes, période qu'on a
surnommée la
période française du Tanzimat
(
S), la Porte sembla vrai–
ment être arrivée à une plus j us t e appréciation des nécessités d u pays.
Sous l ' impu l s i o n de ses alliés de l a guerre de Crimée, et surtout de l a
France, elle i n t r o du i s i t quelques réformes u t i l e s . A i n s i fut fondé le lycée
français de Galata-Serai, centre de c u l t u r e européenne q u i r app r o cha i t
Musulmans et Chrétiens et où l a science était libérée des entraves de l a
l o i religieuse. La séparation d u pouvoir exécutif et d u pouvoir j u d i c i a i r e
fut introduite par la création d ' un Conseil d'État, sur le modèle français,
ainsi que d'une Cour suprême de j u s t i c e . Mais cet état d'esprit ne se
(1)
Comp. Rougier,
op. cl lot. rit.,
p. 2.
(2)
Comp. les pages remarquables consacrées aux enquêtes de
1867
par Ed. Engelhard t,
La Turquie tt te Tan-.imàt,
t. I,
p.
237
et
suiv.
(3)
Sur cette période V. Engelhardt,
op. cil.,
t
11,
p.
1-86.
Fonds A.R.A.M