D E V A N T L E P R O B L ÈME A RMÉ N I E N
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Les droits de la France dans le Proche-Orient fixés par les accords
de 1916 ont été réduits par le j e u des négociations de pa i x . I l a été
entendu, à la suite d u traité de Sèvres, que la France ne resterait pas en
Cilicie. Mais elle conservait son mandat en Syrie et elle était obligée
de jouer son rôle c i v i l i s a t eu r dans ce pays en collaboration étroite
avec la Tu r qu i e , sa voisine. En restant avec la Tu r qu i e en état d'hosti–
lité latente, la France serait dans l'obligation d'avoir constamment des
troupes sur les confins de la Syrie et de l a Cilicie, obligation q u i pèserait
longues et si douloureuses de la Grande Guerre, s u r u n territoire q u i ne nous était pas
destiné, que nous devrons évacuer ; et je comprends très bien que l ' o p i n i o n publique ait
quelque peu résisté à u n e semblable obligation, pesant si lourdement s u r le budget de
la France, sans parler des sentiments q u e pouvaient faire naître dans la population fran–
çaise d'incessantes hostilités, provoquant des conflits sanglanjts et des pertes trop c r u e l –
les. »
(
Applaudissements.)
«
Le Parlement a fait connaître nettement son sentiment. Dès la première heure, i l a
manifesté son opposition à la r a t i f i c a t i o n du traité de Sèvres. I l est apparu dès le premier
moment, et je l'ai d i t hautement à nos alliés, qu'il ne fallait pas compter s u r le Parle–
ment français pour ratifier le traité de Sèvres tel q u ' i l était
(
Applaudissements),
q u ' i l
heurtait trop violemment les traditions françaises, q u ' i l I t a i t trop violemment en contra–
diction avec nos intérêts, et d u m o m e n t , et de l'avenir, et que c'était une nécessité de
le remettre à l'étude et de le modifier. Ces sentiments à peine exprimés, j e me suis
efforcé, dès la première Conférence à laquelle j ' a i assisté aussitôt après la constitution de
m o n gouvernement, c'est-à-dire dès la Conférence de Paris, de faire comprendre à nos
alliés qu'il fallait tenter, dans l'intérêt de la paix, d'appeler à une médiation les Grecs
et les Turcs, et quand j e parlais des T u r c s , tout naturellement i l ne pouvait pas être
question seulement d u milieu officiel, mais aussi de ces Nationalistes turcs, q u i , au p o i n t
de vue militaire, tiennent la clef de la situation et q u i , en ce q u i nous concerne, nous
maintenaient en Cilicie dans l'état de guerre. Vous savez ce q u i est arrivé à Paris, â
Londres, comment i l n'a pas été possible de faire accepter p a r les belligérants l a média–
tion interalliée...
«
Dès Londres, j'avais prévenu nos alliés que la question avait le caractère d'une
question générale, en ce qu'elle concernait eux et nous, et qu'elle était particulière en
ce qui nous concernait nous, Français.
"
Je m'explique. Nous nous efforcerons, de tous nos moyens, d'aboutir, en c o mm u n
avec nos alliés britanniques, à une paix d'ensemble : c'était évidemment là le point le
plus i m p o r t a n t . Mais, si notre effort malheureusement ne réussissait pas, nous ne p o u –
vions pas, nous, Français, c o n t i n u e r à nous trouver dans cette situation d'entretenir près
de 100.000 hommes dans u n pays que nous sommes prêts à quitter
(
Applaudissements),
que nous ne garderons pas. Nous ne p o u r r i o n s accepter que fussent consommés tant
de sacrifices en vies humaines et e n argent. Aussi étais-je bien décidé à profiter de l a
présence à Londres des représentants des Nationalistes turcs pour essayer de régler avec
eux n e ; affaires.
«
Comment ? D'abord, libération immédiate de nos prisonniers.
(
Très bien ! Très
bien!).
C'est là, vraiment, une question pénible. I l y a là-bas des soldats français
(
à
l'extrême
gauche:
1.100
/ ) . . .
q u i
n
'
o n t que difficilement contact avec leurs familles, q u i , si long–
temps après la guerre, se trouvent dans une position à laquelle i l est indispensable de
mettre fin.
(
Vifs
applaudissements.)
«
Puis, évacuation, garanties prises — et cela, j e l'ai dit aux représentants des Natio–
nalistes turcs — plus, peut-être, dans l e u r intérêt pour l'avenir que dans celui de la
France, q u i a donné sa parole, q u i doit la t e n i r — garanties prises e n c o mm u n , organi-
MANDBLSTAM
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