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LA. SOCIÉTÉ DES NATIONS ET LES PUISSANCES
Mais quel était le caractère de ce Foyer na t i ona l des Arméniens
turcs, sur l e que l le projet de Londres ne contient aucune précision
j u r i d i q u e ?
Tout d'abord, i l est évident qu ' un « Foyer na t i ona l » destiné a u x
Arméniens turcs signifie l'abandon de l eu r un i o n , envisagée par le traité
de Sèvres, avec la République formée des territoires de l'ancienne A r –
ménie russe. Cette République, après avoir succombé sous les coups
des Turcs et des Bolcheviks, venait, i l est v r a i , de faire un suprême
effort pour secouer le j o u g des Soviets, et cet effort avait été couronné
de succès. Mais les Alliés n'avaient évidemméTit#pas une très grande f o i
dans la durée de celte indépendance reconquise, et les événements
devaient malheureusement leur donner raison. Dans ces conditions,
hors d'état, selon les déclarations de l o r dCu r z on , d'avoir dans ces para–
ges recours à la force, i l s ne pouvaient pas penser à ma i n t en i r l ' un i o n
entre l'Arménie russe et les contrées de l'Arménie t u r que occupée pa r
les soldats de Moustapha Kemal Pacha.
I l est vrai que, tout en précisant, devant les Arméniens, les difficultés
que rencontrait l'exécution intégrale des clauses les concernant d u
traité de Sèvres, lord Curzon insistait auprès des Turcs sur « l'obliga–
tion de constituer une Arménie un i e et stable » et préconisait la resti–
tution à la République d'Erivan, à ce momen t libérée des Soviets, des
districts qu'elle venait de perdre par le traité d'Alexandropol. Mais cette
injonction même i nd i qua i t pa r sa l i m i t a t i o n que l'unité arménienne se
concevait maintenant dans des proportions i n f i n ime n t plus modestes,
à ce po i n t que, dans l'esprit des Alliés, le sort des vilayets arméniens
de Tu r qu i e , adjugés par la sentence du Président W i l s o n à l a Républi–
que indépendante, n'était p l us lié aux destinées de celte dernière.
Ce
Foyer national
arménien à créer sur les frontières orientales de l a
Tu r qu i e devait-il être
indépendant
?
Le projet de Londres ne se prononce
pas sur ce point. I l semble cependant hors de doute qu'une indépen–
dance arménienne ne s'imposait plus nécessairement à l'esprit des
Alliés. Ayant laissé broyer la République arménienne, malgré ses
appels désespérés, par l'étreinte turco-bolchéviste, les Alliés ne p o u –
vaient pas être disposés à faire échouer la paix avec Angora par une
exigence en faveur des Arméniens turcs, q u i n'avait aucune chance ,
d'être acceptée, à moins d'être appuyée par la force.
Que devait alors être, au po i n t de vue du droit, ce Foyer national
arménien ? Nous avons vu que ce terme avait été déjà employé par l a
déclaration Balfour et l'article 95 du traité de Sèvres pour la désignation
du Foyer j u i f , établi en Palestine, et dont l'administration avait été confiée
à la Grande-Bretagne comme puissance mandataire. Le terme de Foyer
Fonds A.R.A.M