DEVANT L E PROBLÈME ARMÉNIEN
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V I I I
L E S CAUSES GÉNÉRALES DD R E V I R E M E N T DANS L ' A T T I T U D E
D E S PUISSANCES E N V E R S LA T U R Q U I E .
L'analyse historique à laquelle nous venons de procéder nous permet
d'expliquer le revirement dans la politique des Puissances occidentales
envers la Tu r qu i e q u i se manifesta par l a convocation de l a Conférence
de Londres en février 1921.
Nous avons vu-que les accords secrets interalliés, q u i avaient u n ca–
ractère nettement impérialiste, avaient été modifiés par l a Conférence de
la Paix à l'aide d u système des mandats. Ce système partait, d u mo i ns
en théorie, de l'intérêt des pays mandatés i mais i l comportait cepen–
dant des avantages politiques et économiques évidents pour la p u i s –
sance mandataire. C'est pou r quo i la d i s t r i bu t i o n des mandats, q u i ^—
pour des raisons de po l i t i que générale dans lesquelles nous ne pouvons
entrer i c i — se fit au g r and avantage de l'Angleterre, créa une certaine
tension dans les relations entre les Alliés. L'accord tripartite q u i établit
de nouvelles zones d'influence en Tu r qu i e au profit de la France et de
l'Italie ne put remédier beaucoup à cet état de choses, d'autant p l us que ,
par son extension à des territoires purement turcs, cet accord avait u n
caractère aléatoire et que l a Tu r q u i e n ' y participa même pas. Bref, au
moment de sa signature, le traité de Sèvres était plutôt subi qu'accepté
par la France et par l'Italie.
,
Le mécontentement de ces deux puissances s'aggrava l o r s qu ' on
s'aperçut des obstacles q u i se dressaient contre l'exécution d u traité d u
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août 1920. L'armistice de Moudros avait arrêté les armées alliées vic–
torieuses à l'instant même où elles auraient p u imposer toute la volonté
de l'Entente à la T u r q u i e . L'incurie et la faiblesse des Alliés p e rmi r en t
ensuite l'éclosion en Asie Mineure du mouv emen t kémaliste, q u i trouva
bientôt un appui inespéré d u côté dtjs Soviets. Et une propagande pan -
turque et panislamiste soutenue par les Bolcheviks ne tarda pas à se
faire sentir dans les possessions musulmanes des pays de l'Entente.
La politique que les Alliés employèrent pou r vaincre ces obstacles
fut loin d'être concordante. L'Angleterre, la p l us intéressée au ma i n t i en
du traité de Sèvres, se laissa tout d'abord peu ébranler pa r le mouve–
men t protestataire des Indes et ne renonça qu'à l'éloignement des Turcs
de Constantinople. Elle espérait, d'ailleurs, affaiblir la force turque par
u n rapprochement avec la Russie des Soviets. Toute différente fut l a
politique de la France. C'est vers u n rapprochement avec la Tu r qu i e
qu'elle dirigea ses efforts. Désireuse de conserver son patrimoine mo r a l
MAN'DKLSTAM
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Fonds A.R.A.M