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LA SOCIÉTÉ DES NATIONS ET LES PUISSANCES
même » (1). Peu de temps après, en effet, d u 29 novembre au 4 dé–
cembre 1920, les ministres des affaires étrangères des Puissances alliées
se réunissaient en Conférence à Londres. Et, dans celte Conférence, i l s
prirent une résolution déclarant que, s'ils ne s'opposaient pas directe–
ment à la réintégration d u Roi Constantin sur le trône de Grèce, ils consi–
déraient qu'une telle réintégration créerait une nouvelle situation défa–
vorable aux relations entre la Grèce et les Alliés (2). Dans celte Confé–
rence, i l s ne rendirent toutefois aucune déc'sion ferme au sujet de l a
révision d u traité de Sèvres. Ma i s on peut juger de l'esprit q u i les animait
par le télégramme qu'ils envoyèrent à leurs représentants à l'Assemblée
de la Société des Nations à Genève pour s'opposer à l'admission de
l'Arménie dans l a Société des Nations (3) : dans les motifs de ce télé–
gramme i l s invoquaient la non-ratification d u traité de Sèvres et la trop
grande extension donnée aux frontières de l'État arménien par l ' a r b i –
trage du Président W i l s o n . Les Arméniens pouvaient dès lors aisément
discerner qu'ils seraient les premiers sacrifiés par le revirement de l a
politique orientale des Alliés. Le peuple grec n'ayant tenu aucun compte
de l'avertissement des Alliés et ayant en conséquence rappelé le Roi
Constantin, une nouvelle Conférence des Alliés se tint à Paris, d u 24
au 29 j an v i e r 1921, qu i décida « la réunion à Londres d'une Conférence
de délégués alliés, avec la participation de représentants grecs et turcs,
en vue d'aboutir au règlement des questions d'Orient » (4). Effectivement,
en exécution de celte décision, des invitations furent aussitôt adressées
au gouvernement hellène ainsi qu'aux deux gouvernements turcs de
Constantinople et d'Angora. C'était le premier pas officiel vers la révi–
sion d u traité de Sèvres, q u i au surplus n'avait encore été ratifié n i par
les vainqueurs n i par les vaincus. E l ce pas était accompli sous les
yeux d ' un monde mu s u l ma n q u i frémissait au spectacle des Alliés se
déjugeant de l e u r œuvre après six mois seulement et n'attribuait l eu r
r e c u l qu'à leur impuissance devant l'Islam renaissant. Un coup fatal
était ainsi porté au prestige des vainqueurs de la Grande Guerre dans
t o u t le Proche-Orient, p l us que jamais adonné au culte de l a force.
(1)
V.
The Times
du 22 novembre 1920, qui dit encore que la politique suivie jus–
qu'ici par les Alliés était basée rar la constance de la Grèce vénizeliste et qu'elle ne
pourrait être facilement poursuivie avec l'aide d'une Grèce capricieuse constantinienne.
(2)
The Times,
december 6, 1920 ; Giannini,
La questione orientale alla
Conferenza
délia pace,
p. 98.
(3)
V. cette
Bévue,
série, t. IV (1922), p. 524-526.
(4)
V. l'Europe
nouvelle
du 5 février 1921; le
Temps
du 31 ' janvier 1921 ;
l'Asie
française,
février 1921, n * 189, p . 49 ; Giannini,
La questione orientale,
p . 99-100.
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