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L A SOCIÉTÉ DES NATIONS ET LES PUISSANCES
culiers q u ' i l crée ne sont en effet qu'une nouvelle édition des zones
d'influence de 1916, avec cette aggravation qu'elles s'étendent non
seulement sur des terres dont la population est en majorité n o n -
turque, comme la Cilicie, mais encore sur des terres ayant des popula–
tions presque entièrement turques, telles que les régions d'Adalia et de
Konia. L'accord a un caractère prononcé d'exploitation économique et
même de mainmise générale ; la protection q u ' i l accorde aux minorités,
dans ses articles 8 et 9, n'a en définitive qu ' un caractère purement acces–
soire. Dans ces conditions, l'accord tripartite, qu i ne fut même pas pré–
senté à la signature de la Tu r qu i e , devait, avec raison, paraître à celle-
ci une dangereuse atteinte à son indépendance économique dans les
parties mêmes de l'ancien territoire ottoman que l u i laissaient les vain–
queurs. La France et l'Italie, qu i dès l'époque de sa signature trouvaient
le traité de Sèvres peu pratique et même inexécutable, auraient p u ,
semble-t-il, prévoir l'inexécutabilité, à un degré encore supérieur, de
l'accord tripartite conclu sans la moindre participation du p r i n c i p a l
intéressé. Si elles n'en jugèrent pas immédiatementainsi, elles ne tardè–
r en t pas toutefois à s'en rendre compte, car elles le remplacèrent, dans
la suite, par des accords particuliers avec le gouvernement d'Angora. La
faute politique qu i fut commise par la conclusion de l'accord tripartite
n'en eut pas moins, à son heure, des conséquences fort peu favorables
à la paix. Car elle donna à la propagande kémaliste et bolchéviste une
occasion plus juste que de coutume de dénoncer t l'Impérialisme » des
puissances occidentales. A ce point de vue, l'accord tripartite doit être
signalé comme l ' u n des facteurs q u i contribuèrent à augmenter l'ébulli-
tion dans le monde mu s u lman et à surexciter le patriotisme turc dont
la réaction a contribué à son tour à produire un revirement dans l a poli–
tique orientale des Alliés.
V I I
L A SITUATION P O L I T I Q U E D E S A L L I É S DANS L E P R O C H E - O R I E N T D E P U I S L E TRAITÉ
DE SÈVRES JUSQU'À LA C O N F É R E N C E D E L O N D R E S .
Très bien informés de toutes les conditions dans lesquelles avait été
signé le traité de Sèvres, les Turcs — ceux de Constantinople aussi bien
que ceux d'Angora — y opposèrent toute la résistance que permettaient
les moyens dont ils disposaient. Le gouvernement de Constantinople,
quoique soumis à la pression immédiate des Alliés qu i occupaient lacapi-
tale t u r qu e , en traîna en longueur la ratification. 11 déclara d'abord ne
pouvoir y procéder avant de s'être entendu avec le gouvernement natio–
naliste d'Angora. Puis, quand Moustapha Kémal Pacha eut communiqué
Fonds A.R.A.M