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L A SOCIÉTÉ DES NATIONS ET LES PUISSANCES
avaient pratiquement sauvé l'Arménie au tournant le plus critique de
son existence ». Dans son cœur, y disait-il, le grand et généreux peuple
américain a fait sienne la cause de l'Arménie ; et c'est au peuple amé–
ricain et à son gouvernement que va l'attente du peuple arménien en
l u t t e , maintenant q u ' i l sort d'une période de souffrances et de dangers
indescriptibles. Le Président e xp r ima i t en conséquence l'espoir que le
Congrès jugera sage de répondre avec la plus grande générosité aux
espérances de l'Arménie: « Ce ne serait rien moins qu'arrêter la marche
pleine d'espoir de la civilisation, s i les États-Unis refusaient la propo–
sition de devenir les amis secourables et les conseillers de ceux des
peuples que, d'une manière autorisée et formelle, on leur demande de
guider et d'assister ». Le Président t e rmi na i t son Message en disant
que, s'il se rend bien compte q u ' i l propose au Congrès de faire « un
choix très embarrassant », i l est du moins certain de parler d'après
l'esprit du plus g r and peuple chrétien désireux de voir tous les peuples
chrétiens relevés de leur sujétion abjecte et de leur détresse et mi s
en état de se mettre sur pied et prendre leur, place pa rmi les nations
libres d u mo n d e : la reconnaissance de l'indépendance de l'Arménie
par l'Amérique et l'assistance qu'elle l u i donnera en acceptant les
fonctions de mandataire signifieront une réelle liberté et u n bonheur
assuré pour les Arméniens (1).
On le voit, le Président W i l s o n , dans son Message, ne se servait en
aucune manière des arguments donnés p a r l e rapport Harbord en faveur
d u mandat : i l invoquait exclusivement le sentiment
chrétien
d u peuple
américain et les dangers que le rejet d u mandat ferait c ou r i r à la
civilisation. Ce fut, au contraire, surtout en se basant sur ce rapport que
les adversaires du mandat au Sénat le combattirent. Ainsi le sénateur
Lodge argumenta des dépenses militaires considérables qu ' i nd i qua i t
ce document et des conditions spéciales auxquelles celui-ci subo r don –
nait l'acceptation du mandat (la possession de* Constantinople et des
régions adjacentes, le contrôle des finances et des relations extérieures
de l a Tu r qu i e , la révision des concessions, l a réorganisation de l a dette
ottomane, l'abrogation des traités de commerce existants de la
Tu r qu i e , etc.) (2).
Le Sénat se prononça sur le Message le 31 ma i 1920. I l n'accorda que
12
voix à la motion tendant à autoriser le Président à accepter le
mandat. Et i l rejeta par 43 voix contre 23 la proposition de renvoyer la
résolution au Comité des relations extérieures j u s qu ' au moment où
(1)
V. le texte anglais du Message du Président Wilson dans le
New-York
Herald
du 25 mai 1920.
(2)
Ntie-fork
Herald
du 25 mai 1920.
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