DEVANT L E PROBLÈME ARMÉNIEN
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serait décidée la question de l'entrée de l'Amérique dans la Société des
Nations. Finalement le Sénat adopta l a résolution suivante par 52 voix
contre 23 : « Le Congrès décline respectueusement de conférer à l'Exé–
cutif le pouvoir d'accepter u nmandat pour l'Arménie » (1).
Ainsi, le Président W i l s o n , quoiqu'en possession tout à la fois d u
rapport Harbord et d u rapport King-Crane, avait c r u pouvoir recom–
mander au Sénat l'acceptation d ' un mandat américain pour l'Arménie,
en dehors d ' un mandat similaire pour Constantinople et la Tu r qu i e . 11
n'avait pas jugé davantage devoir subordonner l'acceptation de ce
mandat aux conditions mentionnées dans les deux rapports. Le Sénat
américain, au contraire, semble avoir attaché la plus grande i mp o r –
tance aux conditions formulées dans le rapport Ha r b o r d . I l est toutefois
impossible de dire si le Sénat aurait accepté le mandat arménien au cas
où ces conditions auraient été consenties par l e Conseil suprême. Le
rapport Harbord avait d'ailleurs souligné les difficultés q u ' i l y aurait à
obtenir u n pareil consentement (2). Quoi q u ' i l en soit, se trouvant en
présence d'une offre q u i ne répondait à aucune des conditions dévelop–
pées dans les rapports d u général Harbord, le Sénat a estimé devoir
s'abstenir de toute négociation à ce sujet avec les Puissances (3).
Le rejet par le Sénat américain d u mandat pour l'Arménie a exercé
une énorme influence sur le sort de ce dernier pays. C'est l u i , en effet,
qu i orienta les Puissances vers la création d'une Arménie indépendante
telle que l'envisagea le traité de Sèvres. Alors que le peuple arménien
avait, non moins que les Syriens et les Arabes, besoin de l'aide et des
conseils du mandataire désintéressé que l'article 22 d u Pacte de la
Société des Nations garantit aux peuples « non encore capables de se
diriger eux-mêmes dans les conditions particulièrement difficiles d u
monde moderne », c'est d'une Arménie ne devant compter que sur ses
propres forces q u ' i l va être désormais question.
V I
L
E TRAITÉ D E SÈVRES E T L'ACCORD T R I P A R T I T E .
Le traité de Sèvres, signé le 10 août 1920, sanctionna les décisions de
la Conférence de San Remo. Dès lors, la zone d'influence bleue prévue
par les accords de 1916 ne passa pas tout entière sous le mandat
(1)
New-York Herald
du 2 juin 1920.
(2) «
Consent to many of thèse measures would not easily be obtained », p. 25.
(3)
Rappelons que l'offre des Puissances alliées n'a tenu non plus aucun compte des
suggestions du Conseil de la Société des Nations sur les assurances préalables à donner
au mandataire (V. ci-dessus, p. 67-68).
Fonds A.R.A.M