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LA SOCIÉTÉ DES NATIONS ET LES PUISSANCES
Mais, dans l eu r rapport, les Commissaires envisagent contre l eu r o p i –
n i o n des objections qu'ils cherchent à résoudre. Voici la première : les
relations financières entre l'Amérique et la Tu r qu i e do i v en t tendre à une
indépendance respectueuse d'elle-même
{
self-respecting
indépendance) ;
or, p o u r atteindre ce résultat, étant donné la s i t ua t i on actuelle de l ' E m –
pire ottoman, i l faudra engager des fonds imp o r t an t s q u i ne d onn e r on t
tout d'abord que de lents et insignifiants bénéfices. A cette objection
MM. K i n g et Crâne répondent qu'on peut espérer.avant l a fin d u mand a t
de bons profits, tout en garantissant les intérêts de l a Tu r qu i e contre
toute e xp l o i t a t i on intéressée. A u s u r p l u s , l'Amérique n'a pas à
escompter de grands profits financiers, et en tout cas i l vaut m i e u x
pou r elle dépenser des m i l l i o n s pour instaurer l a paix entre les nations
plutôt que de perdre des b i l l i ons qu ' e n g l ou t i r a i t une nouvelle guerre s i
u n frein n'était pas mi s au c yn i que égoïsme na t i ona l de l'heure présente.
La seconde objection qu'ils prévoient à leur suggestion de conférer à
l'Amérique un aussi vaste ma n d a i est le reproche d'impérialisme. Les
Commissaires y font réponse en r ema r quan t que le mandat prévu est
conçu comme u n simple mandat à terme et que tout au plus le ma n d a i
pour Constantinople p o u r r a i t être prolongé par l a Société des Nations ;
que l'Amérique n'acceptera u n pareil mandat que pour prendre sa part
de reponsabilités dans le monde d ' au j ou r d ' hu i et q u ' i l faudra me n e r
une campagne p ou r l a décider à l'accepter ; que, d'ailleurs, elle ne
l'acceptera qu'à certaines conditions.
Ces conditions, q u i sont des conditions
sine qua non,
sans lesquelles
les Commissaires ne peuvent recommander le mandat américain pour
l'Asie Mineure, sont les suivantes : « Que le mandat américain soit
réellement souhaité par le peuple turc ; que l a Tu r qu i e déclare qu'elle
est prête à rendre justice aux Arméniens, non seulement en l e u r c on –
cédant le t e r r i t o i r e se trouvant dans ses l imi t e s , q u i est proposé p o u r
l'Etat arménien, mais encore en encourageant le rapatriement des
Arméniens, et en prenant des mesures pour que toute réparation équi–
table l eu r soit accordée à l eu r retour dans leurs foyers ; que l a Tu r qu i e
déclare aussi qu'elle est prête à devenir u n État c ons t i t u t i onne l mod e r ne ;
que l a Russie soit prête à renoncer à toutes prétentions su r l'Arménie
russe ; que les Alliés accueillent cordialement l'aide apportée pa r
l'Amérique dans l a situation difficile en Tu r qu i e ; et, particulièrement,
que tous plans pour l e dépeçage de l a Tu r qu i e , a u profit de peuples
étrangers, en sphères d'influence et en arènes d'exploitation, soient
abandonnés. Ces conditions sont nécessaires pou r une s o l u t i o n satis–
faisante d u problème turc. A mo i ns qu'elles ne soient réalisées, l'Améri–
que ne devrait pas accepter le mandat pour l'Asie Mi neu r e . Et les Corn-
Fonds A.R.A.M