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L A SOCIÉTÉ DES NATIONS ET LES PUISSANCES
sont tellement enchevêtrés q u ' i l ne serait pas sage de les confier à des
puissances ayant des idéals et des méthodes différents: une pareille
situation ne manquerait pas de produire des frictions et la mésintelli–
gence, et les conditions non satisfaisantes existant dans un État auraient
leur répercussion naturelle dans les autres. En troisième l i e u , si le reste
de la Tu r qu i e , en dehors d ' unmodeste État arménien, était divisé en
sphères d'influence e l e n champs d'exploitation, les obstacles à l'exécu–
tion d ' un mandat arménien régulièrement conçu deviendraient presque
insurmontables (1). C'est ainsi que le mandat américain pour l'Arménie
doit i mp l i q u e r un mandai général pour toute l'Asie Mineure.
Une nouvelle raison, de l'avis des Commissaires, m i l i t e en ce sens.
Les États-Unis sont la puissance q u i la plus naturellement
(
the tnost
natural
Power)
peut être appelée à assumer le manda i pour l'État
i n t e r na t i ona l de Constantinople, parce qu'elle constitue la seule grande
puissance q u i soil désintéressée territorialement et slratégiquement et
q u i ressente incontestablement une sympathie profonde
(
unmistakebly
earnest sympathy)
pour les buts d ' un pareil État ainsi que pour les
moyens internationaux par lesquels ces buts doivent être réalisés,
c'est-à-dire pour la Société des Nations. Mais, font-ils observer, tous les
f r u i t s d ' un pareil État international ne sauraient être recueillis s i le
reste de l'Asie Mineure ne devient pas une ambiance convenable en
étant soumise aux mêmes grands principes. Ici encore, le mandat pour
Constantinople imp l i qu e dès lors celui pour toute l'Asie Mineure. Enfin,
dernier mo t i f en faveur d ' un mand a i américain général, le choix de
l'Amérique comme mandataire s'impose dans l'intérêt même de l'Étal
turc. Le peuple turc en effet a confiance en elle, et cette dernière est
t o u t spécialement préparée pour l u i venir en aide à cette heure c r i t i qu e
de son histoire.
Mais ce ne sont là que les raisons générales. En dehors de celles-ci,
auxquelles on peut ajouter la considération que les autres grands alliés
sont déjà grevés de lourdes responsabilités coloniales, i l en existe
encore d'aulres, plus directes, q u i doivent conduire, d'après les Com–
missaires, à ce mandat • composite de surveillance »
(
composite
svper-
visory mandate)
américain. Les voici :
1*
Les peuples turc et syrien savent qu'à la base de la vie américaine
se trouvent certaines
grandes convictions
dominantes
qu i sont pour eux
une garantie. L'Amérique a la passion de la paix et de la démocratie,
et elle traite les hommes de toutes les rsc$s avec tout le respect dû à l a
(1) «
If the rest of Tuiltey, outsidt of a modes! Armenian State, were divided into
sphères of influence and exploitation areas, the direct hindrance to tbe woïking out of
a truly conceived mandate in Arménie would be well nigh insuperable ».
Fonds A.R.A.M