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L A SOCIÉTÉ DES NATIONS ET LES PUISSANCES
Le 19 mars 1920, M. L l o y d George r e cu l la Délégation des Musulmans
de l'Inde présidée par Mohammed A l i , et opposa u n refus énergique à
ses prétentions. I l exposa que la Tu r qu i e devait être punie parce qu'elle
avait massacré les Arméniens et essayé de poignarder les Alliés pendant
q u ' i l s étaient engagés dans une lutte à mo r t . « Je ne comprends pas,
d i t - i l , que M. Mohammed A l i réclame de l'indulgence pour la Tu r qu i e .
I I réclame justice, elle aura justice. L'Autriche a eu justice, l'Allemagne
a eu j u s t i c e ; pou r quo i la Tu r qu i e échapperait-elle?... Y a-l-il une raison
pou r que nous appliquions à la Tu r qu i e une autre mesure que celle que
nous avons toujours appliquée à l'Allemagne et à l'Autriche? Je désire
que les Mahométans de l'Inde se mettent bien dans la tête que nous ne
traitons pas la Tu r qu i e sévèrement parce qu'elle est mu s u l ma n e ; nous
l u i appliquons exactement le même principe qu'à l'Autriche, q u i est une
grande nation chrétienne » (1).
La Délégation des Indes n'en continua pas moins sa propagande en
Angleterre et en France et expédia au Sultan un télégramme le suppliant
de rester inébranlable dans la défense d u Califat, en l'assurant que
l'Islam tout entier se tenait à ses côtés (2).
(1)
V.
l'Asie française,
avril 1920, n* 181, p. 137.
(2)
V. dam le n» 182 (mai 1920) de
l'Asie française
la traduction du Message de la
Délégation des Indes au Sultan, dont nous détachons ce passage : « Nous avons pour
mission de revendiquer pour le Califat la restauration intégrale du
statu quo ante bellum
territorial, u n s préjudice de changements politiques, compatibles avec la dignité d'un
État souverain, qui pourraient être garantis aux nationalités non-turques, si ces nationa–
lités désiraient un gouvernement autonome au sein de l'Empire ottoman. Nous avons été
chargés d'expliquer que c'était là, pour l'institution sacrée du Califat, le minimum irré–
ductible du pouvoir temporel qui en est inséparable, pouvant être considéré comme suf–
fisant i la défense de notre Foi. Nous avons encore été chargés de déclarer que seul le
Calife pouvait être le serviteur des trois harems (sanctuaires) sacrés, la Mecque, Mèdine
et Jérusalem, et le gardien des tombeaux sacrés ; que, de plus, pas un seul Musulman
ne tolérerait, ni ne pourrait tolérer aucune sorte de pouvoir non musulman, ni sous
la forme d'un mandat, ni sous aucune autre forme, sur la Syrie, la Palestine ou la Méso–
potamie, qui fout partie du sot sacié du Djeziret-ul-Arab, confié à notre garde exclusive
par notre Saint Prophète à son lit de mort. Nous avons fait tout ce qui était possible, dans
les limites des faibles moyens en notre pouvoir, pour expliquer notre triple revendica–
tion aux Alliés ; et, malgré l'effrayante ignorance et la tragique indifférence de quelques-
un de ceux-là n.êines qui se rendent responsables d'un nouveau règlement des destinées
du monde, nous avons lait clairement entendre que réduire de l'épaisseur d'un cheveu
les revendications musulmanes ne serait pas seulement une violation flagrante des senti–
ments religieux les plus profonds des Musulmans, mais aussi une violation flagrante des
promesses solennellement faites par les hommes d'État responsables qui représentaient
les Puissances alliées et associées, promesses faites à une époque où ils avaient souci
d'obtenir le concours des peuples et des soldats musulmans. Enfin, nous n'avons pas
hésité à avenir le gouvernement britannique que, si ces promesses n'étaient pas tenues
et si l'on ne se conformait pas aux déclarations qui ont amené l'armistice, il serait
futile de s'attendre à la paix aux Indes, tt qu'un affront infligé aux Musulmans, et par
Fonds A.R.A.M