DEVANT L E PROBLÈME ARMÉNIEN
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En défendant, le 26 février 1920, sa politique devant la Chambre des
communes, M. L l o y d George expliqua que sa fameuse déclaration du
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janvier 1918 n'avait pas été une offre momentanée à la Tu r qu i e . Son
objet était d'abord de démontrer aux ouvriers anglais que la Grande-
Bretagne ne poursuivait aucun but impérialiste. Elle élait, d'autre p a r t ,
destinée à rassurer les Musulmans des Indes, au secours m i l i t a i r e des–
quels l'Angleterre faisait justement en ce momen t un appel suprême.
C'était un gage solennel donné aux Musulmans indiens q u i avaient
fourni volontairement pendant la guerre près d ' un m i l l i o n et d emi
d'hommes, et sans l'aide desquels l'Angleterre n'aurait p u battre la
Tu r qu i e . « On oublie trop souvent, dit le mi n i s t r e , que l'Angleterre
est la plus grande puissance musulmane d u monde. Un quart de la
population de l'Empire b r i t ann i que est musu lmane . . . Rien ne pou r r a i t
causer p l us de tort à la puissance britannique en Asie que le sentiment
que l ' on ne pourrait se fier à la parole britannique ». I l serait, ajouta-t-il,
également fatal pour le gouvernement anglais aux Indes de laisser
croire dans le monde mu s u lman que les conditions de paix sont dictées
par le désir de voir s'abaisser l'étendard d u prophète devant la Chré–
tienté; un tel désir serait indigne de la Grande-Bretagne et de ses con–
ceptions religieuses.
Mais, ayant ainsi donné satisfaction aux Musulmans sur la question
du ma i n t i en du Calife à Constantinople, M. Lloyd George ma i n t i n t , dans
le même discours, avec non moins d'énergie, les autres parties de sa
déclaration d u 5 janvier, en affirmant que l'Angleterre ne faiblirait p o i n t
dans l a poursuite de ses buts de guerre
légitimes
:
à savoir la liberté des
Détroits et la délivrance de toutes les races non-turques d u j o u g otto–
man (1).
du moment plutôt que. par les grands et justes principes qui devraient guider notre
politique ? I l n'existe pas d'homme d'Etat en Europe qui ne sache que depuis que les
Turcs ont été refoulés des murs de Vienne, ils ont été en état de retour aux pays dont
ils étaient venus. Toujours ils ont été sauvés de l'expulsion finale par des appréhensions
aussi indignes que celles qui ont égaré la semaine dernière notre Cabinet et le Conseil
suprême. La grande guerre n'aura pas été gagnée complètement, la tragédie de Galli-
poli deviendra plus sombre que jamais, si le Conseil suprême ne dit pas aux Turcs
qu'ils doivent retourner en Asie et si nous ne plaçons pas Constantinople et ses envi–
rons sous une forme de contrôle international. L'expulsion de toute la race turque de
l'Europe est impossible et on n'y a jamais pensé. Stamboul aura toujours une très grande
population turque, comme la possèdent aujourd'hui des parties de la Bulgarie. Mais,
pour le drapeau turc, pour le dirigeant turc et pour le gouvernement turc, i l n'y a plus
de place en Europe *. Sur les protestations d'une grande partie de l'opinion publique
anglaise contre le maintien des Turcs à Constantinople, comp. aussi
Correspon–
dance d'Orient
du 15 mars 1920, p . 229.
(1)
V. les débats de la séance du 26 février 1920 à la Chambre des communes, dans
le
Times
du 27 février 1920.
Fonds A.R.A.M