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L A SOCIÉTÉ DES NATIONS KT LES PUISSANCES
avait ainsi apporté dans l ' o p i n i on , le gouvernement anglais ne modifia
en rien ses intentions au sujet de la libération des races non-turques de
la domination ottomane. L'émotion publique finit cependant par l ' i ndu i r e ,
après une certaine hésitation, à se ranger d u côté de ses alliés sur la
question du maintien — c o n d i t i o n n e l — des Turcs à Constantinople. Le
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février 1920, le Conseil suprême décida de laisser à Constantinople le
Calife et le gouvernement turc. Et bientôt après, l ' am i r a l de Robeck,
Haut-Commissaire britannique à Constantinople, annonça pub l i qu eme n t
le fait, en prévenant toutefois le gouvernement turc que l e traité serait
modifié au cas où les persécutions des Arméniens continueraient. Le
vice-Roi des Indes reçut également l'ordre de porter cette décision à la
connaissance des Indes (1).
Turcs. Ce Mémoire déclare que ce serait an « malheur et un scandale » si Constantino–
ple était laissé entre les mains des Turcs et se termine ainsi : « Nous croyons qu'il y
aura une grande indignation dans les pays de langue anglaise, dans les Dominions aussi
bien que dans la Métropole, si on permet au cruel et corrompu gouvernement du Turc
de rester dans un quelconque des pays où i l a cherché à exterminer ses innocentes vic–
times ».
Le Labour Party publia une remarquable réponse aux Musulmans indiens, où i l leur
démontra, sur la base du principe de l'auto-détermination (self détermination), l'impos–
sibilité de replacer par force sous l'autorité temporelle du Calife ottoman ses anciens
sujets arabes qui devraient être d'ailleurs consultés sur la forme de leur futur gouver–
nement. Le Labour Party se prononça catégoriquement pour la cessation de la domina–
tion turque sur les Arméniens et pour l'administration de l'Arménie par un manda–
taire sous le contrôle de la Société des Nations ; le Labour Party se déclara enfin en
faveur d'un contrôle des Détroits par la Société- des Nations et proposa la constitution
des deux rives du Bosphore avec Péra et de la péninsule de Gallipoli en territoire inter–
national en laissant aux Turcs la seule Stamboul comme capitale
(
The Timet,
du 25 fé–
vrier 1920).
(
t) V . l'article du
Timet
do 21 février 1920 critiquant dans les termes les plus violents
la décision du gouvernement anglais, lequel, au dire du
Times,
par ses tergiversations,
a déçu l'espoir de la nation britannique de voir la fin de la domination turque en Eu–
rope. « I l n'y avait pas un homme dans les grandes armées que nous avions envoyées
à Gallipoli et en Palestine, ou dans la flotte de la Méditerranée, qui ne sût pas que
notre double but était de mettre une fin pour toujours au mauvais gouvernement turc
en Europe et de libérer les nationalités opprimées en Asie Mineure de l'influence flé–
trissante du gouvernement impérial ottoman. Ce n'est pas seulement une question de
la liberté de navigation dans le Bosphore et les Dardanelles, et du libre accès de la
mer Noire, quelque vitale que puisse être cette nécessité. C'est beaucoup plus la ques–
tion de l'extirpation des semences de la guerre perpétuelle qui pendant des siècles avait
noyé l'Europe orientale dans le sang. Si l'administration turque n'est pas extirpée
maintenant en Europe, i l faudra faire une autre guerre dans l'avenir pour déloger les
Turcs de leurs derniers logements sur le
FOI
européen. Tant qu'ils resteront à Constan–
tinople, cette ville ne cessera pas d'être un centre fertile d'intrigues et aucune forme
de contrôle international sur les Détroits ne sera sûre. Cette question fondamentale ne
devrait pas être résolue sous l'influence de l'agitation factice des Indiens musulmans n i
des craintes nerveuses de M. Montagu, pas plus qu'elle ne devrait supporter l'emprise
mauvaise et clandestine des magnats de la finance internationale. Après des siècles de
misère et de malheur, le problème turc a atteint sa phase culminante. Devons-nous
faiblir maintenant, ou nous laisser influencer par les petites convenances ou les risques
Fonds A.R.A.M