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L A SOCIÉTÉ DES NATIONS ET LES PUISSANCES
moment même. Quelques semaines après l'armistice, le 18 novembre
1918,
l o r d Robert Cecil, sous-secrétaire d'État pour les affaires étran–
gères, prononça en effet, à l a Chambre des c ommune s , u n discours
mon t r an t une toute autre tendance d u gouvernement b r i t ann i qu e .
«
Nous ne pouvons pas, dit le noble l o r d , laisser les mauvaises forces
q u i ont prédominé à Constantinople continuer à prédominer comme le
gouvernement prédominant à Constantinople » ( t ) . Et , au sujet de l a
déclaration de M. L l o y d George d u 5 j anv i e r , l o r d Robert Cecil observa
que beaucoup d'événements s'étaient passés depuis et que le gouver–
nement anglais n'était pas tenu par cette déclaration. « Le gouvernement
turc, ajouta-t-il, s'est affirmé absolument incapable de gouverner les
races sujettes; ses j o u r s touchent à leur fin, et i l est à espérer qu'on ne
tolérera plus leur renouvellement. Le bu t d u gouvernement anglais est
la libération de tous les peuples assujettis : Arméniens, Kurdes, Arabes,
Grecs, Juifs ». En ce qu i concerne particulièrement les Arméniens, l o r d
Robert Cecil proclama q u ' i l serait profondément désappointé si une
ombre de gouvernement turc devait être conservée en Arménie (z).
La Grande-Bretagne concevait ainsi le plan d'éloigner les Turcs de
l'Europe et par suite de déplacer le siège d u Califat. Mais u n sem–
blable plan provoqua vers la fin de 1919 une grande agitation pa rmi
les 70 m i l l i o n s de Musulmans de l'Inde anglaise. L'élément h i n d o u ,
obéissant au célèbre chef nationaliste Gandhi, l'apôtre de l'autonomie
indienne, qu i ne se contentait pas des réformes votées par le Parlement
anglais ( b i l l Montagu-Chelmsford) et prêchait la non-coopération avec
le gouvernement b r i t ann i que (3), donna à ce mouvement mu s u l ma n
(1) «
We cannot let those evil forces which hâve been prédominant in Constantinople
remain prédominant as the prédominant Government in Constantinople ».
(2)
Parliamenlary
Debates, House of Commons,
Monday 18ih November 1918, vol. 110,
n« 118, p. 3256-8280.
(3)
Rappelons qu'après la grande guerre, une violenta agitation nationaliste, procédant
surtout des castes supérieures hindoues, avait éclaté dans l'Inde anglaise, se manifestant
par des actes de terrorisme et des mouvements séditieux. Cette agitation avait amené le
gouvernement de l'Inde à promulguer des lois répressives très sévères (bill Rowtatl).
Ces lois furent le signal pour de nouvelles émeutes, lesquelles, surtout dans le Pendjab
(
Amritiar), furent réprimées avec la plus extrême rigueur. La loi Montagu-Chelmsford,
introduisant des assemblées législatives dans l'Inde, fut ensuite votée (fin 1919). Mais les
nationalistes hindous, menés par Gandhi, ne s'en contenlèreut pas et commencèrent à
préconiser la non-coopération avec le gouvernement. Quant aux Musulmans, la majo–
rité était d'abord hostile au mouvement nationaliste à cause de son caractère hindou.
Cependant la sympathie qui leur fut montrée par les Hindous dans la question du Cali–
fat amena un rapprochement entre l^s deux éléments (V. sur le mouvement nationa–
liste dans l'Inde, le remarquable ouvrage de Lothrop Stoddard,
The
.
Veio
World of Islam,
1921,
chapitre IV, « Nationalisme in I n lia ». C.omp. l'article de lord Sydenham,
La
Grande-Bretagne en péril dans l'Inde,
dans la
Revue de Paris
du 15 avril 1922).
Fonds A.R.A.M