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L A SOCIÉTÉ DES NATIONS ET LES PUISSANCES
r a v a n l le Haut-Commissariat français en Syrie e t en Arménie avait
commencé le transport en Cilicie des Arméniens déportés en 1916 en
Syrie et Mésopotamie et q u i avaient survécu aux massacres. L'afflux se
précipita au moment de la relève : le nombre total des Arméniens à la
fin de 1919 était évalué en Cilicie à 120.000 sur 400.000 h a b i t a n t s ; en
outre, de forts contingents avaient été réunis à Aïntab, à Marache et à
Zeïloun (1). Ainsi, un foyer arménien renaissait, sous l'égide de l a
France, sur l a terre cilicienne, à l a grande colère d u gouv e rnemen t
nationaliste turc d'Angora q u i conçut immédiatement le dessein de le
détruire. La France, occupée en Syrie, n'ayant p u détacher en Cilicie
que des forces peu importantes, les Kémalisles ne manquèrent pas de
profiter de l'infériorité numérique des troupes françaises pour organiser
des soulèvements dans tout le pays. A l'issue de la l u t t e inégale q u i
se produisit ainsi, et q u i se prolongea pendant l'année 1920, les petits
détachements isolés français durent
finalement, après d'héroïques
combats, évacuer presque tous leurs points d'appui dans les « Confins
militaires » au Nord d u gouvernement d'Alep et ne purent se ma i n t e n i r
que dans l a partie de la Cilicie au Sud d u chemin de fer. L'évacuation
française avait été, dans plusieurs cas, suivie de massacres des Armé–
niens par les bandes kémalisles (2).
(1)
E. Brémond,
La Cilicii en 1919-1920.
Extrait de la
Revue des études arménien–
nes,
p. 12.
(2)
La situation de la France en Cilicie pendant les années 1919-1920 a été décrite dans
la
Revue des études arméniennes
de 1921 par l'administrateur en chef français de la
Cilicie, le colonel E. Brémond, dans un article :
La Cilicie en 1919-1920.
Un autre
Français, qui a fait la campagne de Cilicie, le colonel Robert Normand, a, de son côté,
traité la question dans un article, paru dans
l'Asie française
(
n " 189), intitulé :
L'œuvre
de la France en Cilicie.
Pour mettre en lumière les grandes difficultés que la France a
rencontrées en Cilicie, nous croyons nécessaire de reproduire quelques données sur la
latte des troupes françaises avec les Kémalisles d'après ces deux témoins oculaires, qua–
lifiés s'il en fût.
Depuis la conclusion de l'armistice et jusqu'à la fin de l'année 1919, la Cilicie et les
territoires du Nord du gouvernement d'Alep étaient occupés par des troupes anglaises
auxquelles n'étaient joints que de faibles détachements français, y compris les trois ba–
taillons arméniens de la Légion d'Orient. Cependant, dès le 19 janvier 1919, le colonel
français E. Brémond fut nommé par le général Allenby administrateur en chef de ces
pays ressortissant à la zone française des accords de 1918. « Toute l'action administra–
tive en Cilicie en 1919 a été basée sur les ordres du grand quartier général anglais »
(
Brémond,
loc. cit.,
p. 8-9)... < La sécurité fut complète en Cilicie pendant l'année 1919 »
(
Brémond, p. 14).
Cette situation changea naturellement après le départ des fortes garnisons anglaises et
leur remplacement par de faibles contingents français, surtout dans les territoires de
l'Est. « Malheureusement, dit M . Brémond, les forces n'arrivaient pas, celles sur
place étaient démunies d'artillerie, de moyens de transport et de tout matériel; les v i –
vres étaient rares, de sorte que les postes ne purent être pourvus n i en vivres, n i en
munitions, ni en matériel. Notamment aucune liaison par T . S. F. ne put être établie
(
le premier appareil arriva à Adana en mars 1920), n i par pigeons-voyageurs (les pre-
Fonds A.R.A.M