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L A SOCIÉTÉ DES NATIONS ET LES PUISSANCES
concerne l ' a t l r i bu t i o n à la Russie de la majeure partie de l'Arménie tur–
que par l'accord Sazonow-Paléologue, i l est évident que l ' un i o n de cette
région avec l'Arménie russe ne pouvait être saluée qu'avec satisfaction
par les Arméniens de la Tu r qu i e , persécutés et massacrés, tandis qu ' au
Caucase leurs congénères, malgré les duretés politiques intermittentes
du régime tsariste, avaient atteint une grande prospérité matérielle. Bien
entendu, les Arméniens eussent préféré une indépendance complète.
Mais, en attendant, le passage sous le régime russe était, en tout cas,
une libération du j o u g turc.
Tous ces accords secrets s'évanouirent, au su r p l us , avant la fin même
de la Grande Guerre, sous l'influence de la Révolution russe et de l'entrée
dans la lutte des Étals-Unis d'Amérique. En effet, d'une part, la Révo–
l u t i o n russe proclama le principe de « la paix sans annexions, n i c o n –
t r i bu t i o n s , sur la base d u droit des peuples à disposer d'eux-mêmes » (1).
E l , d'autre part, le Président W i l s o n , après avoir affirmé dans ses Mes–
sages le principe que « les gouvernements reçoivent tous leurs pouvoirs
d u consentement des peuples gouvernés » et q u ' « aucun peuple ne doit
être contraint à vivre sous une souveraineté sous laquelle i l ne désire
pas vivre » (2), déclara dans le 12» de ses célèbres quatorze points d u
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j a n v i e r 1918 : « Aux parties turques de présent Empire ottoman se–
r o n t garanties pleinement l a souveraineté et l a sécurité ; mais, d'autre
part, i l faut assurer aux autres nationalités q u i vivent actuellement sous
le régime turc une sécurité certaine d'existence et une possibilité, abso–
l ume n t dépourvue d'entraves d ' un développement autonome ». Ce pro–
g r amme , s'il garantissait l'émancipation des nationalités non-turques,
excluait manifestement toute atteinte à la souveraineté d ' un Étal pu r e –
ment turc.
nous pas aussi, parfois, des vues sur les grands intérêts économiques auxquels la vie des
nations est de plus en plus liée? Ne comprendrons-nous pas enfin qu'à l'heure actuelle,
c'est moins les solutions politiques internationales qui importent que celle des grands
problèmes économiques ? Aujourd'hui, une nation n'est pas grande parce qu'elle possède
politiquement un pays. Si elle ne le possède pas réellement, c'est-à-dire économique–
ment, i l n'en résulte pour elle que des charges d'administration
(
Applaudissements)...
Mais, en réclamant pour mon pa\s sa part d influence et d'intérêts en Asie Mineure, je
n'étais mû par aucun sentiment d'impérialisme. I l a toujours été éloigné de nos préoc–
cupations. Nous y allions, appelés par ces peuples, sollicités par eux, dans leur intérêt
au moins autant que dans le nôtre. Nous agissions en conformité avec les grande prin–
cipes qui ont dominé cette guérie. Si nous ne riens étions pas sentis d'accord avec les
populations, nous n'aurions rien fait pour nous imposer à elles. Tous ceux qui sont
allés dans ces régions savent comment j résonne le nom de la France »...
(
Asie française,
n» 181, p . 133).
(1)
V. Manifeste du 9 avril (27 mars) 1917 du gouvernement provisoire russe reconstitué.
(2)
Message du 22 janvier 1917 au Sénat américain ; Message du 10 juin 1917 au gou–
vernement provisoire russe.
Fonds A.R.A.M