134
LA. SOCIÉTÉ DES NATIONS ET LES PUISSANCES
tisation de la Géorgie fut profitable à Moustapha Kémal. P a r l e traité
solennel russo-géorgien d u 7 ma i 1920, les Soviets avaient reeonnu
l'indépendance de la Géorgie. Cela ne les empêcha pas d'envahir le
pays en février 1921. Le gouvernement d'Angora i n t e r v i n t dans l a l u t t e
aux côtes des Bolcheviks et se vit attribuer en conséquence A r dahan ,
A r t v i n et une partie d u district de Batoum, tandis que le reste de la
Géorgie devenait une République soviétiste (1). A i n s i , l'entente., q u i
s'établit entre les pouvoirs kémaliste et bolchéviste pendant l a période
de 1919 j us qu ' aux débuts de 1921, avait été avant tout une c o l l us i on .
Elle manqua i t complètement de sincérité (2). T ou t en trouvant leur profit
à agiter devant les Alliés le spectre d'une alliance formidable qu i p o u r –
rait jeter finalement tous les peuples d'Asie sur l'Europe et en r e c u e i l –
lant les avantages provisoires de cette attitude, Bolcheviks aussi bien
que Kémalistes s'observaient jalousement, chacun étant prêt à profiter
d u premier signe de faiblesse de son partenaire. C'est le j e u c on t i nue l
des forces soviétiste et kémaliste, qu i tantôt se rapprochaient et tantôt
s'éloignaient l'une de l'autre, qu i a le plus faussé la politique des gou–
vernements occidentaux vis-à-vis de la Tu r qu i e et de la Russie soviéti–
que. Car ces gouvernements ont eu la vision fallacieuse que l'heure de
la séparation définitive d u Bolchévisme et d u Kérnalisme était proche et
i l s ont tenté des efforts maladroits pour l a hâter. A i ns i l'Angleterre s'est
lourdementtrompée en pensant qu'en nouant des relations commerciales
avec les Soviets on les amènerait à renoncer à leur propagande révolu–
tionnaire dans le monde mu s u l ma n de l'Asie (3). Et non moins grave
parait avoir été l'erreur de la France q u i traita avec le Kérnalisme dans
l'espoir de le détacher par quelques concessions territoriales de l ' a l –
liance avec le Bolchévisme, alors que celui-ci devait trouver conforme
à ses visées révolutionnaires de soutenir les Turcs dans leur plan de
déloger les Alliés de
tous
les anciens territoires de l'Empire o t t oma n .
du régime soviétiste, V. Hurwicz,
op. cit.,
p. 37. Le partage de l'Arrrîénie entre la
Turquie et les Soviets fut confirmé par le traité turco-russe de Moscou du 16 mars 1921,
qui mit toutefois la province de Nakhitchevan, d'abord cédée à la Turquie, sous le pro–
tectorat de l'Azerbeïdjan soviétisé.
(1)
Hurwicz,
op. cit.,
p. 39-41.
Le traité de Kars du 13 octobre 1921, entre Moscou, Angora et les Képubliques sovié-
tisées caucasiennes, enregistra l'assentiment forcé de ces dernières aux spoliations dont
elles furent l'objet.
(2)
Hurwicz,
op. cit.,
p. 80, dit fort bien que l'amitié russo-turque parait une alliance
très spéciale, dans laquelle chaque allié tâche d'autant plus d'exploiter l'autre pour ses
propres buts, que ce double jeu est parfaitement mis à nu des deux côtés.
(3)
Rappelons que, déjà dans son discours du 7 juin 1920 à la Chambre des communes,
M. Lloyd George préconisa l'entrée en relations commerciales avec la Russie des Soviets.
L'accord commercial entre l'Angleterre et les Soviets fut signé le 16
mar3
1921.
Fonds A.R.A.M