DEVANT L E PROBLÈME ARMÉNIEN
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pas u n bu t ' ( 1 ) . Un • Communiste d'importance comme Boukharine l'a
déclaré expressément au 8* Congrès du parti communiste russe. Et
l'idéologue p r i n c i p a l de l a politique bolchéviste d'Orient, Mi che l Pavlo-
v i t c h , dans une célèbre brochure intitulée :
Les questions de la politique
nationaliste et coloniale de la
I I I
e
Internationale,
parue en 1920, expliqua
clairement que la libération des peuples d'Orient, pour être réelle, devait
être accompagnée de l a chute des classes capitalistes indigènes : car
autrement tous les États libérés commenceraient, sans n u l doute, les
uns avec les autres, des guerres nationalistes sans me r c i . Dans le même
ordre d'idées, l'Arménie dachnakiste et la Géorgie menchéviste devaient
être détruites comme les remparts bourgeois de 1' « Impérialisme m o n –
dial » et surtout de la c rapace Grande-Bretagne » ; et les puits de pétrole
de Bakou devaient être mi s tout particulièrement à la disposition des
Républiques prolétariennes afin de servir à leur lutte sacrée contre cet
Impérialisme.
Quant aux Turcs, Pavlovilcb s'est parfaitement r e n du compte que l a
Turquie d'Enver Pacha avait été impérialiste et que celle de Kémal ne
saurait être n o n plus pour les Soviets un fidèle et sûr allié. « L'alliance
avec la Tu r qu i e de Kémal, d i t - i l , ne peut avoir qu ' un caractère t em –
poraire» (2).
I l est évident qu'en présence de ces déclarations et de la politique
centralisatrice et antinationaliste des Soviets dans les pays musu lmans
de Russie, le gouvernement d'Angora ne pouvait se faire la mo i nd r e
illusion sur les
buts finals
de la politique de la I I I
e
Internationale. I l
savait parfaitement que, le cas échéant, i l serait « soviétisé », aussi
bien que le Tu r k e s t an ou l'Azerbeidjan. Et, de son côté, i l ne renonçait
aucunement à l'idéal pahtouranien. Mais en attendant i l trouvait son
profit dans l a réalisation d u
but plus immédiat
de la politique de Moscou,
à savoir l a destruction en Asie d u pouvoir des Alliés et su r t ou t de l ' A n –
gleterre. C'est p ou r quo i Moustapha Kémal ne pouvait refuser l'alliance
des Soviets. Dans l a période de 1920 à 1921, i l en retira d'ailleurs d'ap–
préciables profits. L'Arménie indépendante, comme nous l'avons i n d i –
qué plus haut (3), fut écrasée par une attaque combinée des Bolché-
vistes, des .Turcs et des Tatares, et, tout en tombant sous le régime
soviétiste, elle du t céder à la Tu r qu i e , par le traité d'Alexandropol d u
2
décembre 1920, les deux tiers de son territoire (4). De même, l a sovié-
(4)
Cette auto-disposition, remarque avec raison M. Hurwicz, ne peut être considérée,
dans les profondeurs de l'âme communiste, que comme un mal inévitable, comme le
moindre entre deux maux, tout au plus comme moyen pour arriver au but (Hurwicz,
°P- cit.,
p. 74).
(2)
Hurwicz, op.
cit.,
p. 44 et suiv., particulièrement p. 70.
(3)
V. ci-dessus, p. 90-91.
(4)
Sur la terreur bolchéviste en Arménie pendant les premiers temps de l'établissement
Fonds A.R.A.M