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L A SOCIÉTÉ DES NATIONS ET LES PUISSANCES
des Anglais, le gouvernement azerbeïdjanien développa une p o l i t i qu e
nationaliste prononcée. Cependant les Soviets, q u i jouissaient des s y m –
pathies des ouvriers russes et arméniens des puits de pétrole, avaient su
en même temps, par une habile agitation, disposer, en leur faveur une
partie de la population musulmane. Aussi réussirent-ils à s'emparer de
Bakou le 27 a v r i l 1920 presque sans coup-férir. Mais, comme t o u j o u r s ,
l e u r victoire dans l'Azerbeïdjan fut suivie de réquisitions, d'insurrec–
tions et de répressions imp i t o y ab l e s (1) ; après quoi les Bolcheviks
recommencèrent leur j eu de coquetterie avec le Nationalisme mu s u l –
m a n . Pendant l'été de 1920, Enver Pacha fit d'ailleurs un voyage de
Berlin à Moscou et y posa les jalons d'une alliance turco-russe ( 2 ) .
Du r an t ce même été, Moustapha Kémal et Tchichérine échangèrent,
d'autre part, des Notes au sujet de t la lutte commune contre l'Impéria–
lisme étranger qu i menace les deux pays » (3). Au commencement de
septembre 1920, eut l i eu à Bakou le Congrès des peuples orientaux, où,
sur 1891 délégués, on compta 235 délégués turcs. Ce Congrès ne s'occupa
guère d u sort des peuples musu lman s de la Russie, mais i l accueillit
avec enthousiasme l'appel que lança Zinoview sur la nécessité de décla–
rer la guerre sainte à l'Impérialisme. Zinoview n'épargna pas toutefois
dans ses critiques le gouvernement d'Angora auquel i l reprocha l e
maintien d u Sultanat. S'adressant au Congrès, Z i no v i ew d i t en effet :
t Ce que fait le gouvernement de Kémal en Turquie n'est pas d u Communisme»
Vous ne devez pas défendre le pouvoir d u Sultan au mome n t où la dernière
heure du pouvoir vient de sonner. A u contraire, vous devez dissiper et détruire
toute foi au Sultan, de la même façon que les paysans russes ont détruit l a f o i
a u Tsar. 11 en sera de même en Tu r q u i e et dans tout l'Orient lorsque s'allumera
la vraie révolution des terres uoires paysannes. Le panislamisme, le moussa-
vatisme de 1' « Union et Progrès », d'où ne sort n i u n i o n n i progrès, ne sont pas
nos tendances ; leur affaire n'est pas celle d u Comité internationaliste » (4).
Dans sa résolution le Congrès déclara que l a direction de la l u t t e pou r
l a liberté des peuples orientaux passait entre les mains d u prolétariat
c ommun i s t e . E t u n « Conseil de l a propagande et de l'action des peup l e s
d'Orient » f u t créé avec siège à Bakou (5).
Comme on le voit, le Bolchévisme n'a nullement caché que l'idée de
l'aulo-disposition des peuples d'Orient était pour l u i u n mo y en , et non
(
t) Humiez,
op. cit.,
p . 30-31.
(2)
Orner Kiazim,
Angora et Berlin,
p. 161 ; Hurwicz,
op. cil.,
p. 31.
(3)
Le Bolchévisme et Vlslam,
t . I I , p. 186.
(4)
Le Bolchévisme et l'Islam,
t . I , p. 118-121.
(5)
Hurwicz,
op. cit.,
p . 32-33. .
Fonds A.R.A.M