DEVANT L E PROBLÈME ARMÉNIEN
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q u i ont été exprimées. I l ressortissait notamment de l'article 16 que les
membres n'étaient obligés j u r i d i quemen t à aucune action mi l i t a i r e , mais
seulement à u n blocus économique et financier, et cela au cas seule–
ment où i l s auraient souverainement constaté la rupture d u Pacte. C'est
donc, en somme, devant le risque d'avoir à appliquer éventuellement à
la Tu r qu i e kémaliste u n blocus économique et financier qu'a reculé l a
première Assemblée de l a Société des Nations. Or,'il est permis de p en –
ser que, sur la Tu r qu i e d'Angora, à cette époque entièrement exténuée
et ne pouvant compter pour son ravitaillement sur la Russie soviétique,
u n pareil blocus aurait p r odu i t u n effet des plus salutaires. I l est v r a i
que ce blocus aurajt certainement causé des pertes commerciales et éco–
nomiques non seulement à la Tu r qu i e , mais aux puissances bloquantes
elles-mêmes. Mais ces inconvénients sont prévus par l'article 16 et les
membres s'y sont engagés à se prêter u n mutuelappuipourlesréduireau
m i n i mum . En tout cas, puisque la garantie de l'intégrité territoriale et
de l'indépendance politique de l'Arménie n'exposait les membres de la
Société qu'aux inconvénients que comportent les mesures de blocus
prévues dans les articles 16 et 17 d u Pacte, toute l'argumentation basée
sur les graves risques que ferait courir à la Société l'application de l ' a r –
ticle 10 s'écroule. Si la vie de tout u n peuple ne vaut pas les pertes
matérielles qu ' imp l i que pour les États le blocus de son agresseur, i l a
été vraiment i nu t i l e d'échafauder tout l'édifice de la Société des Nations.
En envisageant dans son ensemble l'attitude de la première Assem–
blée de la Société des Nations dans la question arménienne, aucun
partisan convaincu et ami sincère de la Société ne saurait se défendre
d'une grande tristesse. Après tant de discours*émouvants sur le sort de
la malheureuse nation, après tant de démonstrations de la plus sincère
et la plus fervente sympathie,
rien
n'a été fait pour assurer à l'Arménie
un secours efficace contre ses assassins (1). On nous excusera de ne
pas considérer comme tel la résolution de l'Assemblée chargeant le
Conseil de la Société des Nations « de veiller sur le sort de l'Arménie ».
Ce Conseil s'était déjà à plusieurs reprises déclaré impuissant à agir
isolément sans le concours effectif des Puissances. Et la noble i n t e r –
vention
personnelle
d u Président Wi l s on , combinée avec celles de
l'Espagne et d u Brésil, n'était pas précisément faite pour impressionner
ceux qu i ne comptaient qu'avec la force b r u t a l e . D'autre pa r t , le refus
(1)
La seule décision de la première Assemblée qui ait eu un effet bienfaisant pour
les Arméniens a été prise dans un autre domaine. C'est la résolution qui a invité le
Conseil à « constituer une Commission d'enquête destinée à le renseigner sur la situa–
tion actuelle en Arménie, en Asie-Mineure, en Turquie et dans les territoires voisins
de ces pays en ce qui concerne les
déportation! det femmet et des enfants
»
(
Compte
rendu
de la 24« séance, p. 13).
Fonds A.R.A.M