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L A SOCIÉTÉ DES NATIONS ET . L E S PUISSANCES
mêmesqui apprécient souverainement s'il y a ou non r up t u r e duPacte (1).
D'autre pa r t , on arrive, en ce qu i concerne les sanctions, au même
résultat, si l ' on se range à l ' op i n i on émise dernièrement par M. H e n r i
A. Rolin (2), qu i soutient qu ' « un e violation de l'article 10 ne se présen–
tera pas nécessairement sous forme de recours à la guerre» (3), que cet
article ne fait donc pas double emp l o i avec les articles 16 et 17 et q u ' i l
poursuit u n bu t beaucoup plus large — c e l u i de protéger le territoire des
membres, non seulement contre des agressions momentanées, « ma i s
contre les annexions, les modifications au statut j u r i d i qu e d e s t e r r i t o i r e s
q u i seraient le
résultat
d'une agression » (4). Car, en se plaçant à ce
po i n t de vue, et en examinant l a garantie, contenue d an s l e p a r a g r a ph e 2
de l ' a r t i c l e 10, en elle-même, indépendamment des articles 16 et 17,
nous n ' y trouvons q u ' un mandat donné au Conseil d'avoir à
aviser
aux
moyens d'assurer l'exécution de l ' ob l i g a t i on contenue dans le pa r a g r a –
phe 1
e r
de l'article 10. Le Conseil pourra donc proposer à chaque
membre de la Société toutes les mesures de sanctions pacifiques et m i l i –
taires q u ' i l trouvera appropriées aux circonstances géographiques e t
politiques. Mais les membres ne seronl pas
obligés
de se soumettre aux
avis d u Conseil. Comme le dit fort j us t emen t M. Henri Ro l i n , « les États
accepteront ou repousseront en dernier ressort les recommandations que
le Conseil leur adressera à ce sujet».
On arrive ainsi forcément à la conclusion que la première Assemblée
de la Société des Nations a singulièrement exagéré les risques que l ' a d –
mission de l'Arménie dans l a Société aurait fait c ou r i r à cette dernière.
Ni le rôle assigné au Conseil par le paragraphe 2 de l'article 10, n i les
sanctions prévues par l'article 16 n'autorisaient les craintes excessives
(1)
Cette situation n'a pas changé depuis le vote par la deuxième Assemblée en 1921
de l'amendement à l'article 16, en vertu duquel « i l appartient au Conseil d'émettre u n
avis
sur le point de savoir s'il y a ou non rupture du Pacte ». Cet avis n'a qu'une
valeur inorale. Comme l'a mis en lumière M. Motta, à la 20" séance plénière de la
deuxième Assemblée de la Société, le 26 septembre 1921
{
Compte rendu
provisoire,
p. 13), « ce sont les États eux-mêmes qui demeurent les juges souverains de l'obliga–
tion juridique et morale » d'appliquer les sanctions économiques.
(2)
Henri-A. Kolin,
L'œuvre de révision du Pacte de la Société des Nations
accomplie
par la deuxième Assemblée,
dans la
Revue de droit international et de législation
comparée,
série, t . III (1922), p. n i et 336.
(3)
M. Henri-A. Rolin présente, au cours de sa pénétrante analyse de l'article 10,
toute une série de cas où la violation peut avoir lieu
sans
recours à une guerre, illicite
au point de vue du Pacte ; ainsi, par exemple, ceiui-ci : « la contestation originaire
qui a donné naissance au conflit est absolument étrangère à toute question territo–
riale, et ce n'est qu'au cours d'hostilités déclanchées dans des circonstances régulières
ou au moment de la conclusion de la paix que l'État victorieux manifeste des préten–
tions annexionnistes »
(
toc. cit.,
p . 342).
(4)
Henri-A. Rolin,
op.
et loc.
cit.,
p. 342.
Fonds A.R.A.M