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L A SOCIÉTÉ DES NATIONS ET LES PUISSANCES
à l'admission de l'Albanie, q u i devait, selon l'avis d u représentant
anglais, M. Fisher, aider à la pacification s i nécessaire des Balkans.
Mais comment s'expliquer l'altitude des membres de la Société q u i ,
tout en votant pour l'Albanie, repoussaient les demandes de la Géorgie
et de l'Arménie ? La pacification des régions d u Caucase était-elle donc
moins nécessaire pour la paix universelle î N'est-on pas plutôt fondé à
prétendre que la situation de l'Arménie entourée d'ennemis était u n
danger i n f i n ime n t plus g r and pour cette paix que celle de l ' A l ban i e ,
entourée d'amis, membres de l a Société ?
Par ces c r i t i que s , nous ne voulons nu l l eme n t contester le d r o i t de la
Société des Nations de se laisser gu i d e r , dans l'admission des nouveaux
États, non seulement par les prescriptions de l'article 1
e r
du Pacte, mais
aussi par des considérations po l i t i que s . Certes, la tendance d u Pacte de
l a Société est que celle-ci est
universelle.
Son préambule témoigne que
les Hautes Parties Contractantes on t adopté ce Pacte en vue de i déve–
lopper la coopération entre les
nations
et pour l eu r garantir la paix et l a
sûreté ». Mais cependant cette Société universelle n'est encore qu'en
voie de f o rma t i o n . Elle ne se compose que des Membres originaires
ayant signé le traité de Versailles et d ' un
certain nombre
d'autres États
n vités à accéder au Pacte. « Le Pacte, dit avec r a i s on M . Georges Scelle,
a organisé une Société particulière d'États et n o n po i n t
la
Société inter–
nationale » (1). D'autre part, i l faut aussi admettre que
l'universalité
de
l a Société ne saurait être réalisée immédiatement. Comme on l'a d i t
fort bien, « l i m i t e r momentanément la Société des Nations au groupe
des États q u i affirment u n c ommun idéal de moralité internationale, ce
n'est point faire brèche au p r i n c i p e d'universalité » (2). On ne saurait
donc qu'approuver une po l i t i que de l a Société refusant son accès à tout
État don t les conceptions sur la j u s t i c e et l ' honneu r dans les relations
internationales l u i paraîtraient différer de celles qu'a établies le
Pacte (3).
(1)
G. Scelle,
L'admission des nouveaux membres de la Société des Nations par l'As–
semblée de Genève,
dans la
Revue gén. de droit intern. public,
2"
série, t. I I I (1921), p. 125'
(2)
A. Rotigier,
La première assemblée de ta Société des Nations,
dans la même
Revue,
2*
série, t . I I I (1921), p. 227.
(3)
Lorsque, an jour, l'idéal de l'universalité de la Société des Nations sera réalisé, le
problème de l'admission des nouveaux membres changera entièrement d'aspect. Car,
i l ne s'agira plus alors de l'admission d'États venant du
dehors
de la Société, mais de
changements à son
intérieur,
provenant de la
séparation
de telle ou telle
nation
du
cadre d'un
État
membre de la Société des Nations. La demande d'admission d'une nation
équivaudra donc à la consécration, par la Société, du nouveau statut de la nation créé
par son émancipation plus ou moins complète. Nous estimons que les intérêts de la
nation revendiquant cette consécration et ceux de l'Élut demandant le maintien de cette
nation dans son cadre historique doivent être délimités par la Société des Nations,
Fonds A.R.A.M