DEVANT L E PROBLÈME ARMÉNIEN
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I l faut malheureusement ajouter que cette politique sè présente à
l'observateur attentif sous u n aspect d'incohérence manifeste. A i n s i on
se demande pour quelles raisons l'Assemblée, après avoir refusé son
accès à l'Arménie, à la Géorgie, à l'Esthonie, à la Lettonie et à la L i l h u a -
nie, a accueilli dans son sein deux autres pays nouveaux,
l'Albanie
et
l a
Finlande,
ce dernier pays se trouvant exactement sous la même me –
nace soviétique que les États baltes ? L'Assemblée était-elle tellement
sûre que l'état politique de ces deux derniers candidats était si stable
q u ' i l ne l u i ferait pas courir les risques de l'article 10 ? Avait-elle trouvé
le moyen de mesurer la
grandeur
d u risque qu'elle courrait avec les
différents États ? Où voyait-elle le critère de la stabilité d ' un État?
L'admission par l'Assemblée de l'Albanie, et cela malgré le vote c o n –
traire de la Commission, est surtout frappante. Là 5
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Commission avait
recommandé de différer l'admission «jusqu'à ce que le statut i n t e r n a –
tional de l ' A l ban i e a i t été déterminé avec précision ». En séance plé–
nière, l o r d Robert Cecil plaida chaleureusement son admission, laquelle,
selon l u i , ne ferait pas c ou r i r à la Société les risques de l'article 10,
l ' A l ban i e n'ayant comme voisins que la Serbie et la Grèce,' membres de
la Société, et non pas des États en dehors de son influence. Cependant
le noble l o r d se rendait compte que cet argument tiré du voisinage
immédiat n'était pas entièrement suffisant et que d'autres complications
politiques pourraient su r g i r . Aus s i eût-il soin d'ajouter :
«
Mais alors o u nous d i t : « Eh b i e n , si tout cela est vrai, i l vaut mieux par
prudence ne pas admettre l'Albanie ». Je ne suis pas sûr de la portée de ces p a r o –
les. La prudence ne consiste pas toujours à ne r i e n faire. I l peut être aussi témé–
raire de ne pas agir que d'agir. Le cas de l'Albanie est, j'ose le croire, un de ceux
auxquels s'applique cette maxime. Voici u n État q u i demande son admission dans
la Société des Nations.Son territoire est situé dans une partie du monde q u i est
u n foyer de troubles p o u r l'Europe. Rien n'est plus essentiel à la paix européenne
q u ' u n règlement de la question des Balkans. Tous ceux q u i regardent la vérité
en face souscriront à cette o p i n i o n .
«
Plus on tardera à régler les questions nationales dans les Balkans, plus on
conservera des menaces et des dangers pour la paix européenne. Je me permets
de faire remarquer à l'Assemblée de la manière la plus pressante que nous, qui
représentons le grand i n s t r ume n t de paix, nous n'avons pas le d r o i t de laisser
une menace à la paix d u monde durer u n instant de plus qu'il n'est absolument
nécessaire» (1).
Ces paroles s o n t d'or. Elles furent soutenues par les Délégations de
France, de Grande-Bretagne et d'Italie. I l faut naturellement applaudir
(
i)
Actes de la première Assemblée,
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séance plénière du i l décembre 1920, p. 648.
Fonds A.R.A.M