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L A SOCIÉTÉ DES NATIONS ET LES PUISSANCES
domaine
religieux,
comprenant le l i b r e exercice d u culte et la l i b r e a d –
ministration des affaires ecclésiastiques. L'autonomie était aussi assez
large dans le domaine
scolaire,
où le contrôle d u gouvernement s'exer–
çait
jusqu'à l'avènement des Jeunes-Turcs—sous des formes très relâ–
chées. Les Patriarcats exerçaient, enfin, une
juridiction
sur leurs
ouailles, en matière de statut personnel, comprenant les questions
d'état, de capacité, de mariage, de divorce, etc. ; le Patriarcat œcumé–
nique jouissait même d u privilège de la j u r i d i c t i o n testamentaire.
I l semble donc exister une contradiction troublante entre cette
cons–
titution
libérale, concédée par les vainqueurs turcs à leurs sujets chré–
tiens, et leur
politique
envers ces mêmes sujets, faite de persécutions,
de spoliations et de massacres. Cette contradiction s'explique cependant
aisément.
Le peuple turc était, au moment de la conquête de Constantinople,
une nation purement m i l i t a i r e , totalement étrangère à l a c i v i l i s a t i on .
Le Sultan Mohammed 11 sut comprendre t ou t le parti que le nouvel Em–
pire pouvait tirer des éléments non-turcs, pour le développement d u
commerce, de l ' i ndus t r i e et des métiers. D'autre pa r t , le d r o i t sacré
mu s u l ma n imposait aux sujets non -musu lman s (les
rayas,
littéralement
bétail) une taxe personnelle (le feharadj) — l a
capitalion,
à laquelle
échappaient les sujets mu l s u lman s . Dès lors, l'intérêt de l'État turc
exigeait l a conservation des vaincus, mais s'opposait en même temps à -
l eu r conversion à l'Islam, conversion q u i , en en faisant les égaux de
leurs maîtres, les aurait soustraits à l'inégalité fiscale et ainsi au r a i t
privé la Tu r qu i e d ' un impôt q u i , à l'époque de la conquête, formait son
p r i n c i p a l revenu.
Ayant décidé de conserver les vaincus comme une caste séparée
destinée à les servir et dont i l s ne désiraient nu l l emen t l ' a s s imi l a t i on , les
Turcs devaient nécessairement consentir aux Chrétiens des privilèges
dans le domaine de l a r e l i g i o n et de la langue ; i l s du r e n t l eu r laisser,
en même temps, une autonomie presque complète en matière de statut
personnel, puisque le d r o i t sacré mu s u l ma n — le
chéri
ne pouvait s'ap–
p l i que r aux questions d'état, au mariage o u au divorce des Infidèles.
Les Turcs allèrent même plus l o i n . I l s laissèrent les Patriarcats, sur–
tout les Patriarcats grec et arménien, et plus t a r d l'Exarcat b u l g a r e ,
devenir de véritables organisations politiques, aux chefs desquelles i l s
reconnaissaient le droit de parler à l a Porte et au n om de l a na t i o n .
Les Grecs eurent l eu r Synode e t l eu r Conseil m i x t e près d u Patriarcat,
et les Arméniens — a u XIX* siècle — une véritable Assemblée nationale.
Les organes officiels des Nations chrétiennes élevaient c on t i nue l l emen t
l e u r voix en faveur de leurs malheureuses ouailles. Cependant cette orga-
Fonds A.R.A.M