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L A SOCIÉTÉ DES NATIONS ET LES PUISSANCES
le télégramme des t r o i s Puissances principales q u i , malgré toutes les
protestations des membres de l'Assemblée contre cette « attitude de su –
prématie », avait aiguillé ces derniers dans la direction contraire à
l'admission. Or, ce télégramme, à notre avis, contenait une erreur et
posait u n principe dangereux p ou r l'avenir de la Société des Nations.
Pour repousser l a demande de l'Arménie, les trois gouvernements
invoquaient d'abord la non-ratification d u traité de Sèvres, q u i avait
constitué l'Arménie en État indépendant. Or, comme nous l'avons v u
cette affirmation ne correspond nu l l eme n t au texte d u d i l traité, lequel
déclare, au contraire, que la' reconnaissance de l'indépendance armé–
nienne l u i était antérieure. La seconde objection était basée sur l a
difficulté, pour les puissances, d'accepter, de garantir et de faire respec,
ter, à cause de leur extension, les frontières de l'Arménie fixées par le
Président Wi l s o n . Cependant, la sentence arbitrale d u Président des
Étals-Unis d'Amérique avait été rendue, à la suite d'une offre d on t
avaient convenu toutes les puissances signataires d u traité de Sèvres,
lesquelles s'étaient en même temps engagées à accepter sa décision
(
art. 89). L'offre d'arbitrage avait été, i l est v r a i , faite au Président et
acceptée pa r l u i
avant
la ratification d u traité. Mais de ce fait même était
née, entre le Président et les Puissances, une convention tout à fait
indépendante du sort ultérieur du traité.
Les trois principales Puissan–
ces, aussi bien que.tous les autres États ayant participé à la proposition
d'arbitrage faite au Président, étaient donc tenues de respecter son
arrêt. Aussi l eu r télégramme ne l u i refuse-t-il pas directement la recon–
naissance. Mais les trois gouvernements se sont prévalus d u contenu de
la sentence, pour refuser l'entrée dans la Société des Nations à une
Arménie dont elles s'embarrasseraient de garantir les frontières, à leur
avis trop généreusement tracées. De cette manière l'Assemblée s'est
trouvée dans l'obligation de me s u r e r a son t ou r les responsabilités et
les risques que comporte l'article 10. Et i l serait impossible de nier que
l a position prise par les trois grandes puissances mi l i t a i r e s de l'Europe
actuelle n'ait influencé l'Assemblée, non seulement dans l e cas de
l'Arménie, mais aussi dans celui de tous les autres nouveaux États s o l –
l i c i t a n t l eu r admission[dans la Société.
Que l est le véritable sens de l'article 10 d u Pacte ?
Par son paragraphe 1
e r
«
les membres de l a Société s'engagent à res–
pecter et à ma i n t e n i r contre toute agression extérieure l'intégrité t e r r i –
toriale et l'indépendance po l i t i que présente de tous les membres de l a
Société ». La 5
e
Commission, dans son r appo r t à l'Assemblée concer–
nant l'admission de l ' Au t r i che , a interprété cette disposition de la ma –
nière suivante : « On ne saurait déclarer avec assez d'instance que l'arti-
Fonds A.R.A.M