DEVANT LÉ PROBLÈME ARMÉNIEN
407
politique q u i empêcha les memb r e s de la Société de voter l ' admi s s i on
des États baltes dès 1920, était bien l'appréhension d'avoir à a p p l i qu e r
l'article 10 d u Pacte contre une agression de la part des Soviets.
Quant à l'Arménie, l'idée de l'absence de la Russie a joué u n rôle
encore mo i nd r e dans le rejet de sa demande. Pour les puissances s i gna –
taires d u traité de Sèvres, cette question ne pouvait pas d ' a i l l eu r s se
poser. Nous avons vu que dans ce traité, conclu avec la Tu r qu i e , et d o n t
la Russie n'était pas co-signataire, ces puissances avaient précisément
stipulé l'indépendance de l'Arménie russe, et fait dépendre le sort de
l'Arménie turque d'une sentence du Président des États-Unis d'Amé–
r i que . En outre, le danger bolcheviste lui-même f u t c o nnu trop t a r d
par l'Assemblée pour peser sur ses résolutions (1). Toute l ' a t t i t ud e de
l'Assemblée était dominée exclusivement par le danger turc. C'est p o u r –
quoi elle réclama la médiation des puissances entre l'Arménie et les
seuls Kémalistes, en ne faisant aucune mention des Soviets. Et c'est
pourquoi le rejet de l a demande arménienne doit être considéré c omme
u n aveu d'impuissance n o n pas vis-à-vis de
Lénine,
mais vis-à-vis de
Moustapha Kémal.
v
B. —
Appréciation de t'attitude de la première Assemblée dans la question
de l'admission de l'Arménie au sein de la Société des Nations.
L'historien impartial qu i voudra prononcer un j u g eme n t sur l'attitude,
dans la question de l'admission de l'Arménie, de l a première A s s em–
blée de la Société des Nations, devra certainement prendre en considé–
ration les nombreuses difficultés de tout ordre au m i l i e u desquelles
elle se débattait. Toutefois, à notre avis, i l ne pour r a l u i épargner de
graves c r i l i que s .
I l est évident, en effet, que la demande de l'Arménie satisfaisait à t o u –
tes les conditions prescrites par le Pacte. Les réponses au questionnaire
de la cinquième Commission, fournies par la sous-Commission c, l u i
étaient également sans conteste favorables (2). C'est donc, en définitive,
(1)
M. Viviani dit, le 16 décembre,
après
le rejet de la demande de l'Arménie : « I l
n'est pas douteux que la sympathie pour l'Arménie rencontre un fait sur lequel nous
ne sommes pas renseignés, a savoir l'absorption par les Soviets »
(
Actes de la pre–
mière Assemblée,
26-
séance plénière, p . 593).
*
(2)
Nous relevons dans le compte rendu de la septième séance de la cinquième Com–
mission, ces paroles du D
r
Nansen. « Le D' Nansen (Norvège) appuie M. Rowell. I l rap–
pelle que ta sous-Commission, tout en reconnaissant qu'il y avait des raisons en faveur
de l'admission de l'Arménie, ne l'avait pas proposée, estimant qu'il vaudrait mieux
dans son intérêt, qu'elle eût un mandataire
J>
(
Actes de la première Assemblée,
séances
des Commissions, t. I I , p. 198-199). C'est donc seulement parce qu'elle préférait un
man–
dat
pour l'Arménie, que la sous-Commission n'a pas proposé formellement son admission.
Fonds A.R.A.M