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L A SOCIÉTÉ DES NATIONS ET LES PUISSANCES
Le représentant de la France, M. René V i v i an i , était l o i n de nier la
thèse de l'impuissance actuelle de la Société des Nations. « En vérité,
s'écria-t-il, nous sommes une Assemblée impuissante, parce qu'on nous
a chargés d'une responsabilité alors qu'on ne nous a donné aucune
autorité ». Et i l rappela avec beaucoup d'à-propos et avec raison que,
si l a voix de l a France avait été entendue à la Conférence de la Paix, l a
Société des Nations ne serait pas aujourd'hui dans cet embarras ; car elle
aurait son arme : des Etats-majors avec un contingent international. Le
délégué français émit ensuite l'avis que , dans l'état actuel des choses,
la Commission proposée par M. Lafontaine ne réussirait certainement
pas plus que le Conseil de la Société à trouver une nation qu i accepterait
u n mandat, exigeant d'elle seule des hommes et des ressources. Quant
à u n appel demandant leur quote-part à tous les membres de la Société,
la réponse insuffisante qu i s'était produite dans un autre cas, en ce q u i
concerne le t yphus en Pologne, ne permettait pas d'espérer u n m e i l –
l e u r résultat dans l'affaire arménienne. Toutefois le délégué français ex–
prima l'espérance qu'on pou r r a i t d u moins trouver tune puissance q u i ,
avec son autorité morale et matérielle, i n t e r v i end r a i t entre les combat–
tants pour essayer de faire prévaloir u n arbitrage par négociations ».
M. Viviani fit donc la proposition suivante : « L'Assemblée, désireuse de
collaborer avec le Conseil pour mettre fin dans le plus bref délai possible
à l ' ho r r i b l e tragédie arménienne, invite le Conseil à s'entendre avec les
gouvernements pour qu'une puissance soit chargée de prendre les me–
sures nécessaires en vue de mettre u n terme aux hostilités entre l'Ar–
ménie et les Kémalistes » (1).
L'Assemblée accepta à l'unanimité la proposition de M. V i v i an i , tout
en adoptant également celle de M. Lafontaine, à laquelle s'était rallié
l o r d Robert Cecil. A la suite de ce débat, le 23 novembre 1920, le Conseil
de la Société des Nations adressa donc à tous les gouvernements mem–
bres de la Société ainsi qu'au gouvernement des États-Unis d'Amérique
la résolution adoptée, en y j o i g n a n t u n pressant appel en faveur de
l'Arménie. Mais
trois
gouvernements seulement se déclarèrent prêts à
entreprendre l a tâche human i t a i r e qu ' on leur proposait. Le Président
des États-Unis d'Amérique, W i l s o n , répondit q u ' i l serait « prêt à offrir
sa
médiation personnelle
pa r l'entremise d ' un représentant q u ' i l dési–
gnerait » ( 1
e r
décembre 1920). De même, les gouvernements
espagnol
et
brésilien
se déclarèrent prêts à c on t r i bue r : le premier, « à toute action
d'ordre mo r a l et diplomatique » en faveur de. l'Arménie, le second, à
mettre u n terme «à la situation angoissante de l'Arménie»(30 novembre).
A la suite de la réception de ces dépêches, le Conseil pria ces trois
(1)
Actes de la première Assemblée,
IX° séance plémère, p. 184-302.
Fonds A.R.A.M