DEVANT L E PROBLÈME ARMÉNIEN
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pies chrétiens » . Cependant, si tous les orateurs étaient d'accord avec
le délégué serbe sur la nécessité de secourir immédiatement l ' A r –
ménie, u n certain découragement se manifestait dans les discours,
provenant de l'absence de moyens d'action directe à la disposition
de la Société des N a t i o n s . C'est pou r quo i . M. Spalaïkovitch l u i -
même, comme M. B r a n t i n g (Suède), préconisèrent une pression sur les
Puissances principales, tandis que M. Narisen (Norvège), en émettant
l'idée d'une expédition mi l i t a i r e , y j o i g n i t l'espérance que l'Amérique
ne refuserait pas son concours devant u n appel adressé au monde par
l'Assemblée de la Société des Nations. Le représentant de la Grande-
Bretagne, M. Balfour,donna peut-être la note la plus pessimiste. I l cons–
tata que l'organisation de la Société des Nations, aux termes d u Pacte,
n'avait pas prévu une situation telle que celle en face de laquelle on
se trouvait actuellement en Arménie : « Les auteurs du Pacte avaient
en vue les conditions suivantes : des Etats bien organisés ayant des
frontières nettement délimitées, où l'actiou de l ' op i n i on pub l i qu e d u
monde civilisé pou r r a i t se faire sentir et où, en dernier ressort,
pourrait s'exercer la menace d'une pression économique ». Or, dans l'es–
prit de M. Balfour, Mustapha Kemai ne se souciait aucunement « de
l'opinion du monde civilisé ou de ce que ses actes seraient condamnés
par tout t r i b un a l animé de sentiments huma i ns ». D'autre part, i l
était impossible d'exercer sur Mustapha Kemal une pression écono–
mi que . « I l n'a pas la responsabilité des finances d ' un Etat organisé,
ni celle d u commerce en Tu r qu i e d'Asie, déclara le délégué anglais,
c'est u n chef de b r i g ands , u n de ces hommes absolument insensibles
a tous les sentiments auxquels la Société des Nations fait naturellement
appel et auxquels elle s'adresse en premier lieu ». Pour ces raisons,
M. Balfour estima que la seule méthode pour se tirer 'des difficultés
rencontrées consistait à trouver une puissance manda t a i r e décidée à
prendre en mains la cause de l'Arménie. Le représentant de la Grande-
Bretagne rappela cependant l'insuccès des démarches tentées j u s q u ' i c i
par le Conseil pour trouver u n mandataire, qu i consentirait à assumer à
l u i seul toutes les charges du mandat. I l exprima en conséquence l'avis
que toutes les
Nations
réunies à Genève devraient prendre l e u r part de
celte grande œuvre commune. « Au t r emen t , conclut M. Balfour, on en
resterait aux protestations de bonnes intentions et aux paroles d'encou–
ragement et on se trouverait vis-à-vis de l'Arménie dans la situation des
gens q u i , du rivage, seraient témoins d ' un naufrage, impuissants à por–
ter une aide efficace aux naufragés » (1).
(
I)
Actes de la première Assemblée,
séance plénière du 22 novembre 1920, p. 184-
188.
Fonds A.R.A.M