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LA MORT DL STAMBOUL
Et pour quel résultat? pour remettre la main sur
la Crète? pour assurer la défense de la Tripoli–
taine?
La Crète avait valu à la Vieille Turquie cent trente
années (1770-1898) d'expéditions ruineuses, qui
avaient engouffré l'argent par millions, les hommes
par dizaines de milliers, et toujours empêché la
Porte de faire face à ses ennemis continentaux, —
et rien n'avait contribué autant que ces répressions
Cretoises à déconsidérer le Turc en Europe, à le
mettre hors du droit des gens. La Crète ne pouvait
valoir à la Jeune Turquie que pareille déconsidéra–
tion et pareils désastres. La conscience occidentale,
l'opinion française en particulier ne pouvait admettre
comme solution définitive que l'union avec la'Grèce,
moyennant de justes indemnités aux musulmans
crétois et à la Turquie. Mais quand les Français
réclamaient cette solution, ce n'était pas par philhel-
lénisme, ni par respect seulement du droit impres–
criptible des peuples, ni même par pitié des atroces
souffrances que l'île avait supportées depuis deux
cent cinquante ans : c'était d'abord par un profond
souci des intérêts et des besoins de la Turquie nou–
velle. Avec la Crète, i l n'était pas d'avenir tranquille
pour l'Empire ottoman ; i l n'était même pas d'exis–
tence possible pour la Jeune Turquie. Chaque dis–
cussion Cretoise ramenant une surexcitation isla–
mique, les réactionnaires auraient tôt ou tard le jeu
facile contre les réformateurs qui, pour leurpoli tique
contre la Grèce, seraient obligés de fomenter eux-
mêmes les passions de l'Islam.
Quant à la Tripolitaine, ce n'est pas de longtemps
que les forces turques, même rénovées, pourraient
Fonds A.R.A.M