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L A MORT DE STAMBOUL
un quart (1770-1898), la Turquie, bien pourvue de
soldats, mais démunie de vaisseaux et de marins,
fut toujours impuissante à réprimer... L'histoire des
dominations vénitienne, byzantine, arabe, de toutes
les dominations en Crète avait été toute pareille :
tant avait duré la puissance du maître sur la mer, et
tant avait duré sa domination sur la Crète; tant
valait cette puissance, et tant valait cetle domination.
La Turquie de 1908 possédait sur la mer Noire et
l'Archipel, sur les mers de Chypre et de Syrie, sur
la Méditerranée africaine, la mer Rouge, l'océan
Indien et le golfe Persique, des rivages, par milliers
de lieues, et des ports par centaines : i l était naturel
que la Jeune Turquie rêvât de posséder quelque
jour une flotte puissante. Mais avant de s'engager
en ces dépenses navales, n'avait-elle pas à se donner
tout entière à deux ou trois tâches bien plus impor–
tantes pour la sauvegarde de l'empire?
Elle devait assurer la défense immédiate de la
patrie ottomane contre les ennemis du dedans et du
dehors : i l l u i fallait avant tout une armée et un
outillage militaire, une double et triple armée contre
ses agresseurs possibles des Balkans, contre ses
voisins trop proches du Caucase, contre les popu–
lations trop peu soumises de ses provinces arabes et
albanaises, — et trois ou quatre places de guerre
à Uskub, Andrinople, Erzeroum et Bagdad.
Elle devait assurer l'intégrité ottomane et pré–
parer l'unité ottomane : i l l u i fallait deux grandes
lignes de chemins de fer, huit cents ou mille kilo–
mètres de rails nouveaux, pour achever de tra–
verser l'empire de part en part, unir la capitale aux
'
extrémités les plus lointaines et rendre partout
Fonds A.R.A.M