L A CRETE ET L E K H A L I F A T
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organiser l'exode de ce peuple musulman, l'emmener
et l'installer clans les immenses el vides domaines
que la Liste Civile ottomane possédait autour des
grandes villes anatoliennes; elle n'avait qu ' à exi–
ger de la Crète ou de la Grèce de cjuoi racheter
là-bas à ces exilés l'équivalent do ce qu'ils abandon–
neraient i c i ; ainsi compensée, l'annexion, môme
pour ces victimes, se fût bientôt traduite par des
bénéfices.
Une île voisine, Rhodes, était pour ces émigrants
un refuge tout prêt : Rhodes, la plus belle, la plus
douce des Iles peut-être, était dépeuplée; i l eû t été
facile d'y trouver et d'y acquérir à v i l prix des
terres toutes semblables à celles qu'ils abandon–
naient, et Rhodes repeuplée de ces musulmans, en
qui la Jeune Turquie mettait toute sa confiance,
serait devenue au-devant de l'Anatolie une forte–
resse d'Islam contre laquelle les menées de l'hellé–
nisme eussent été désormais impuissantes... Nous
voyons aujourd'hui (1913) quel profit la Jeune Tur–
quie eût tiré de Rhodes défendue par ces musulmans
*
crétois : les Italiens auraient eu sans doute plus de
peine à y déba r que r ; ils seraient moins fondés
aujourd'hui à en espérer la conservation. Et pour
le service de leur Tripolitaine, Rhodes ou la rade
voisine de Marmaris eussent rendu aux vaisseaux
turcs l'escale qu'ils ne pouvaient plus avoir à
Candie ni à la Sude, quand bien même la Crète fût
restée sous l'autonomie.
À Marmaris. mieux qu ' à la Sude, la flotte des
Jeunes-Turcs, — si réellement ils en avaient besoin
d'une, — serait postée au centre de leur Méditer–
ranée d'aujourd'hui, juste à mi-chemin entre Salo-
Fonds A.R.A.M