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L A MOUT DE STAMBOUL
privilèges pour se contenter jamais du simple droit...
Et les Jeunes-Turcs eux-mêmes disaient que les
musulmans de Candie seraient attirés vers la
Turquie nouvelle par l'influence, les honneurs et
les richesses qui les y attendaient.
Si donc les puissances, — la France surtout, qui,
pendant la crise de 1898, avait lié d'intimes rela–
tions avec ces musulmans, adopté et éduqué leurs
fils, — si l'Europe voulait s'acquitter de ses devoirs
envers ces vaincus, i l fallait les transporter, eux et
leur fortune, et leur assurer l'existence en terre
turque, non pas les maintenir sur la brèche, sous le
couteau, en terre crétoise. Le précédent de Coron et
de Modon était là : transportés en Asie Mineure, les
musulmans hellénisés de ces villes ont prospéré jus–
qu'à nous; leurs descendants peuplent une moitié
de la ville d'Adalia; ils ont conservé longtemps leur
langue grecque; avec la même insolence qu'un pal-
likarc de Morée dans les rues d'Athènes, ils conti–
nuent à se dire « Moraïtes » parmi leurs frères
musulmans... Pour le bonheur des musulmans
de Crète, i l fallait leur souhaiter, leur préparer le
même sort.
I l était sû r que l'autonomie définitivement assise,
—
Samos réellement autonome n'avait plus que
trente-six
musulmans sur une population de 55 ou
60 000
âmes, — achèverait de les ruiner, de les
expulser un à un, de les jeter sans argent, sans
moyens de vivre, exaspérés, assoiffés de vengeance,
dans cette Asie Mineure où déjà l'Islam, en ces mois
d'avril-mai 1909, recommençait les massacres de
Tarse et d'Àdana : si l'Europe voulait que Smyrne
ne vît pas des scènes pareilles, elle devait prévoir et
Fonds A.R.A.M