L A C H U T E E T L E K H A L I F A T
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au Khalife les troupes noires dont l'Egypte et le
Maroc jadis, aux temps de leur grandeur, firent
l'appui de leurgouvernement, dont la France aujour–
d'hui compte se faire un instrument de sécurité et
de domination. I l n'est pas de touriste en Syrie et
en Anatolie qui n'ait vu les services que le
zaptieh
(
gendarme) nègre rend à l'autorité turque contre le
Kurde, le Druze, le Bédouin, contre les coupeurs de
route et les pillards de métier. Aux spécialistes euro–
péens, que les Jeunes-Turcs voulaient engager pour
la réforme de leur gendarmerie, les noirs, tout au
moins dans les provinces arabes, fourniraient les
meilleures brigades. Et puisque les Jeunes-Turcs
entendaient remettre sous la loi commune, fondre
dans l'unité ottomane, « turquifier» si possible leurs
nationalités diverses auxquelles l'ancien régime avait
maintenu des privilèges, ce n'était pas avec leurs
seuls Turcs de Macédoine et d'Anatolie qu'ils pour–
raient venir à bout de cette œuvre herculéenne :
une armée noire, une police noire leur étaient indis–
pensables...
Et la Jeune Turquie revendiquait en Afrique sa
part du « fardeau de l'homme blanc ». Dans ce livre
sur
La Crise de l'Orient,
où leur penseur attitré,
Ahmed-Riza, leur avait en 1907 dressé comme un
inventaire de leurs rêves et de leurs espoirs, i l avait
réuni tous les témoignages de nos explorateurs et
de nos écrivains touchant les bienfaits de la péné–
tration musulmane en pays nègre :
De tous les phénomènes historiques du xx
c
siècle, — leur
disait-il avec M. de Vogué, —• le plus considérable sera peut-
être la renaissance et le progrès de l'Islam dans le continent
noir. C'est comme une seconde hégire : Mahomet regagne
Fonds A.R.A.M