L A MORT DE STAMBOUL
devenue leur grand champ d'avancée; elle était le
carrefour de toutes les routes de la Méditerranée
turque, entre Stamboul et Alger, entre Stamboul et
Tripoli, entre Stamboul et le Caire. Au début du
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siècle, quand un compétiteur musulman avait
essayé de leur ravir cette Méditerranée islamique,
quand Méhémet-Ali avait rêvé d'étendre son royaume
albano-égyptien j u s qu ' à l'Yémen et j u s qu ' à l'Abys-
sinie vers le Levant, j u s qu ' à Tripoli, jusqu'à Tunis
peut-être vers le Couchant, son premier soin avait
été d'acquérir la Crète; durant les quinze années
(1825-1840)
où, de fait, la Crète avait cessé d'être
turque pour appartenir à l'Egypte, les Français
avaient abattu sans peine la turquerie d'Alger, et la
dynastie tunisienne avait achevé de gagner son
indépendance.
Plus récemment, quand, l'Egypte ayant été livrée
aux mains de son Khédive, puis de l'Angleterre,
l'Algérie conquise et la Tunisie protégée par les
Français, i l n'était plus resté aux Turcs que la T r i -
politaine, les ports crétois avaient pris une nouvelle
importance entre Stamboul et Tripoli ; sur les routes
de mer qui unissaient au reste de l'empire ce der–
nier lambeau d'Afrique. Candie et la Canée étaient
désormais les seules escales ottomanes,
Le va-et-vient des barques tripolitaines amenait
sous le rempart de la Canée un village de Bengha-
ziotes, d'Africains nègres ou mé t i s ; i l remportait
le ravitaillement des garnisons et des populations
turques; en cette Afrique dénuée, toutes les provi–
sions de bouche et toutes les manufactures du vête–
ment, de l'armement et de la bâtisse devaient être
fournies du dehors. Tant que la Crète resta sous la
Fonds A.R.A.M