L A C R È T E E T L E K H A L I F A T
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dation du traité de Berlin et par la crise rounié-
liote, i l avait laissé vivre la Crète sous le régime
légal : pour la première fois depuis trois siècles,
l'île avait connu cinq ou six années de paix civile et
religieuse. Mais de 1886 à 1889, Abd-ul-Hamid, à
mesure qu'il se remettait de la grande secousse de
1878,
s'abandonnait à ses rêves de politique khali-
fale, panislamique : dans tout l'Empire turc, ce pape
musulman faisait passer les intérêts et les passions
de ses Croyants avant les droits et la vie même de
ses autres sujets; pour sauver l'islam crétois, i l se
mit à ruiner la Crète, où les musulmans ne repré–
sentaient plus que le quart de la population. Désor–
mais ses intrigues rendirent le gouvernement de la
Canée intenable aux
valis
chrétiens.
Une huitième insurrection en résulta (1889). Elle
ne dura que quelques semaines. Abd-ul-Hamid,
sans peine, en vint à bout, grâce aux bons offices de
la Grèce elle-même, qui voulait plaire à Stamboul
pour éviter l'attribution de nouveaux diocèses
macédoniens aux évêques de l'Exarque. Les bons
offices d'Athènes remirent la Crète sous un
vali
musulman, sous les abus de l'Islam et du Khalife :
le firman du 26 novembre 1889 abrogea le Pacte
de Khalépa et, de 1889 à 1895, la Crète, pour le
salut, disait-on, de l'hellénisme macédonien, dut se
prêter à toutes les fantaisies du maître, qui se
hâtait, d'ailleurs, d'attribuer à des évêques bul–
gares les diocèses contestés de Macédoine; les
gens d'Athènes, dupés, essayaient alors de nouer
avec Sofia et Belgrade une coalition que Sofia refu–
sait; la Crète, au bout du compte, restait la victime
inutile de ces compétitions balkaniques.
Fonds A.R.A.M