L A C R È T E E T L E K H A L I F A T
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Pour que Navarin fît une Grèce libre, pour que
le royaume grec se constituât de la Morée, de quel–
ques îles et d'une bande continentale entre les golfes
de TArta et de l'Eubée, i l fallut que la Crète, con–
quise et ravagée par les soldats de Méhémet-Ali,
devînt un fief de ce maître-exploitant qui savait
allier à la rapacité albanaise la régularité et la
rouerie de ses comptables européens. Huit ans de
guerres civiles, de brutalités albanaises et de ven–
geances musulmanes (1821-1829), onze ans d'exploi–
tation égyptienne (1829-1810), puis soixante années,
à nouveau, de mangeries et d'avanies turques
(1840-1898) :
telle fut la récompense des Cretois
pour avoir assuré un commencement de patrie à la
Race entière.
En 1833, en 1840, en 1856-1838, en 1866-1868, en
1877-1878,
en 1889, troisième, quatrième, cinquième,
sixième, septième et huitième insurrections Cretoises.
La Crète ne veut pas rester égyptienne n i turque;
elle réclame, sans faiblir sous la torture, son union
à la patrie hellénique; elle subit à quatre ou cinq
reprises, durant des mois, des années, les souffrances
de la guérilla, du brigandage, de la persécution
religieuse et de la guerre sociale. Et la Grèce doit
assister, sans mot dire, à quatre ou cinq répressions
qui l u i rendent, à elle-même, la vie douloureuse.
Les mêmes événements se répètent chaque fois : les
riches musulmans des villes et des plaines Cretoises,
begs
et
agas,
et les fonctionnaires turcs appellent à
l'aide les musulmans des villages et les armées du
Sultan ; devant ces pillards, les citadins chrétiens
prennent la mer, se réfugient dans les ports du
royaume, et le gouvernement d'Athènes doit nourrir,
Fonds A.R.A.M