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L A M O R T D E
S T A M B O U L
que l'hellénisme moderne doit son salut : en 1770,
autant que l'apparition de la flotte russe, c'est
l'exemple des Cretois qui rendit l'espoir au peuple
de Roum.
Mais la Crète paya de sa propre ruine, de ses oli–
vettes et de ses vignobles détruits, de ses villages
incendiés, de ses forêts dévastées, puis de cin–
quante années d'atroce répression (1770-1821), le
service qu'elle venait de rendre à la Race...
De 1821 à 1830, la seconde insurrection crétoise
fut d'une pareille utilité aux Grecs du continent
pour proclamer leur indépendance : recevant le pre–
mier assaut de la force égyptienne, puis retenant la
principale attention de Méhémet-Ali, c'est la Crète
qui permit aux insurgés de la Grèce continentale
de résister, vaille que vaille, durant cinq années
(1822-1827),
j u s qu ' à l'arrivée de l'Europe libératrice,
j u s qu ' à la canonnade de Navarin.
Le Sultan avait été pris au dépourvu par la révolte
de ses
raïas
:
i l était justement en train de réformer
son armée et son gouvernement, de massacrer ses
janissaires. I l dut faire appel aux soldats et aux
vaisseaux de son pacha d'Egypte, Méhémet-Ali, et
confier à cet Albanais les pachaliks de Crète et de
Morée avec celui du Caire. Entre l'Egypte, réservoir
des forces musulmanes, et la Morée, cœu r de la
rébellion grecque, la Crète devint ainsi le rempart
de l'hellénisme et le reposoir de l'Islam. Méhémet-
A l i v i t son intérêt à soumettre d'abord cette grande
île dont i l était sûr de conserver l'administration,
même après l'ordre rétabli, tandis que la Morée,
sitôt soumise, l u i serait réclamée par les gens de
Constantinople.
Fonds A.R.A.M