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C R È T E E T L E K I I A L 1 E A T
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Tsar blanc qui rendrait au Christ Sainte-Sophie.
L'attente se faisait trop longue. Dans les îles perdues,
dans les montagnes reculées, où le janissaire n'avait
pas pu s'établir, où le chrétien conservait la pro–
priété de ses terres, où souvent i l vivait dans une
indépendance presque complète, l'espoir encore se
maintenait; partout ailleurs, les conversions, dimi–
nuant de j ou r en j ou r ce qui restait du peuple chré–
tien, augmentaient d'autant la majorité musulmane
et la rendaient plus agressive par la haine ardente
des renégats : c'est dans l'hellénisme que se recru–
taient ainsi ses ennemis les plus zélés; les fils et
petits-fils de
Roumis,
qui, sous le turban, conser–
vaient la langue et la culture des aïeux, mettaient
au service de l'Islam, à la persécution de leurs con–
génères, le meilleur des qualités et de l'intelligence
grecques.
En 1770, on v i t enfin paraître la flotte du Tsar
blanc. Sur les côtes de l'Épire, de la Morée et de la
Crète, elle vint armer la révolte des chrétiens, puis,
coupant l'Archipel, elle s'en fut brûler la flotte du
Grand Seigneur dans le détroit de Chio... Mais cette
flotte russe disparut aussi mystérieusement, aussi
rapidement qu'elle était venue. Les révoltés de
l'Epire et de la Morée ne purent pas tenir contre
les bandes d'Albanais que la Porte lâcha sur eux. Si
le montagnard crétois n'avait pas résisté, s'il n'avait
pas donne la preuve aux autres
Roumis
que le
raïa,
quand i l voulait, était de taille à combattre, i l est
probable que ce premier essai de rébellion grecque
eût été le dernier effort avant la soumission finale...
Athènes, jadis, à Marathon et à Salamine, avait
sauvé l'hellénisme antique; c'est à la Crète de 1770
Fonds A.R.A.M